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Dossier
Février 2006

"La peur de ne pas être aimé nous empêche de dire non"

Politesse, timidité, éducation... Psychologue clinicienne et auteur de "Savoir dire non", Marie Haddou décrypte les causes de notre difficulté à dire non.

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Pourquoi est-il si difficile de dire non ?
Marie Haddou La société ainsi que l'éducation des parents ne favorisent pas l'usage du non. L'école ne développe pas l'esprit critique : l'on apprend aux enfants à être conformes, à dire oui. La crainte de blesser son interlocuteur nous empêche également de dire non, car on ne veut pas le mettre en colère et passer ainsi pour un individu agressif, être critiquée et donc rejeté par les autres. C'est la peur de ne pas être aimé qui nous paralyse. Enfin, il y a derrière le fait de toujours dire oui un sentiment de toute puissance : on a l'impression de pouvoir régler les problèmes de tout le monde à tout moment, et cette idée renvoie une bonne image de soi-même.

D'où vient cette incapacité à s'affirmer ?
Elle nous vient de la petite enfance. Vers 2 ou 3 ans, l'enfant commence à explorer le monde, il découvre qu'il est un sujet différent des autres. C'est le moment où il cherche à exprimer sa différence et son autonomie, il s'oppose donc à l'autorité de ses parents. Il arrive que les parents réagissent mal et utilisent le chantage affectif : "si tu continues à dire non, on ne t'aimera plus". L'enfant fait alors un amalgame entre le fait de s'affirmer et la perte d'amour, qui représente la pire de ses craintes. Une fois adulte, les situations où il devrait s'affirmer le renvoient alors à sa petite enfance, c'est pourquoi il n'y parvient pas.

Les femmes et les hommes sont-il égaux face à cet handicap ?
Non. Malgré les avancées féministes et l'émancipation, les femmes sont encore élevées en référence à une image de la femme au service des autres, bonne mère et bonne épouse, dévouée, docile et généreuse. Ces vieux archétypes de femme soumise à l'autorité du mari persistent, aussi les femmes ont-elles plus de difficultés à dire non que les hommes.

A-t-on plus de facilités à dire non selon l'interlocuteur ?
Cela se vérifie chez certaines personnes. Elles peuvent être capables de dire non sans problème à leurs enfants car elles sont dans une position de supériorité par rapport à eux. A l'inverse, elles n'osent pas s'opposer à leurs collègues ou leur patron parce qu'elles se retrouvent dans un rapport d'égal à égal ou d'infériorité, ce qui les renvoie à leurs relations avec leurs parents.

Quelles sont les conséquences au quotidien de cette incapacité à dire non ?
A force de tout accepter, de céder sur tout, on ne s'appartient plus. Cette difficulté à nous exprimer nous soumet à la volonté d'autrui. Ceux qui ne peuvent pas dire non mènent une vie d'insatisfaction. Ils en arrivent même à éviter les personnes qui pourraint leur demander quelque chose, à ne plus répondre au téléphone, à inventer des mensonges et des histoires emberlificotées.

Comment sont perçues les personnes qui ne disent jamais non ?
Elles ne sont pas forcément mieux considérées, bien au contraire. Elles sont prises pour les bonnes poires, les autres ne les respectent pas, et elles ne se respectent plus elles-mêmes.

Y a-t-il des situations où il vaut mieux ne pas dire non ?
Oui, lorsque l'on est en danger par exemple. Si vous êtes agressé, mieux vaut donner votre porte-monnaie quand on vous le demande. De même, lorsqu'un collègue vous demande exceptionnellement de terminer un dossier parce qu'il a un gros souci personnel, il est plus adapté d'accepter.

Comment savoir si l'on est dans une situation où l'on peut dire non ?
A chaque fois que l'on veut faire accepter sa différence, ses limites, on doit dire non. Par exemple, si votre mari choisit toujours le film quand vous allez au cinéma, vous pouvez dire "non, je n'ai pas envie de voir ce film". Lorsqu'on vous demande un service, vous devez savoir si vous pouvez le rendre sans que cela vous coûte trop avant de répondre. Il ne faut pas se sacrifier et être sans arrêt au service des autres !

Avez-vous des conseils pour apprendre à dire non ?
L'idéal, quand on sait que l'on va être confronté à une demande, c'est de se préparer, de répéter ce qu'on va dire et de trouver la formulation adéquate. Il est également important de se relaxer pour être détendu le moment venu. Si vous n'avez pas l'occasion de vous préparer, autorisez-vous à ne pas répondre tout de suite. Dites que cette demande vous pose problème et que vous allez réfléchir. Cela va vous donner le temps de combattre votre anxiété. Et évitez de vous justifier pendant trois heures, c'est inutile. Demandez-vous également ce qui se passerait si vous répondiez non, et remplacez les pensées négatives qui vous viennent par des pensées plus réalistes : votre meilleure amie est-elle vraiment une amie si elle se fâche parce que vous ne voulez pas lui prêter votre plus belle robe ?

Y a-t-il une bonne façon de dire non ?
Il faut le dire avec conviction, pas mollement, pour montrer qu'on est persuadé qu'on veut dire non. Sinon, l'interlocuteur s'engouffre dans la faille. N'utilisez pas un ton agressif, soyez calme et clair. Vous aurez dit un non convivial, qui ouvre le dialogue.

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