Le Docteur Omar Brixi est directeur de la prévention au sein de la Direction
de la santé publique à l'Institut national contre le cancer. S'il
estime que la nourriture joue effectivement un rôle primordial sur notre
santé, il insiste également sur le fait que les cancers, ainsi que
nombre de pathologies, sont issus d'un ensemble de circonstances, qui interagissent.
|
|
Omar Brixi est directeur de la prévention au sein
de la Direction de la santé publique à l'Institut national
contre le cancer. © DR
|
|
Comment jugez-vous le livre de David Servan-Schreiber,
"Anticancer", qui caracole en tête des ventes ?
Je crois que le plus important dans tout ça, c'est de voir à quel
point un tel discours est entendu par la population. Il n'y a qu'à constater
le succès de cet ouvrage. Cette problématique de la prévention
du cancer semble habiter la population, c'est indéniable. De plus en plus
de gens appréhendent, à juste titre, d'être touchés
par le cancer et sont préoccupés par la qualité de leur mode
de vie. M. Servan-Schreiber a donc su rejoindre l'appréhension générale.
Je dirais qu'il a renoué avec beaucoup d'éléments simples
qui relèvent du bon sens : bien sûr qu'avoir une alimentation équilibrée
et une vie saine aide à éloigner les problèmes de santé,
tout est lié.
Dans son livre, il y a des choses intéressantes, mais il faut les prendre
avec prudence. Ce qu'il dit, bout par bout, n'est pas infondé. Mais les
liens entre ces informations sont parfois un peu rapides et certaines données
partielles.
Et le rapport du Fonds mondial de lutte contre le cancer,
dont sont issues dix recommandations à l'intention de la population et
des responsables de santé publique ?
Leur travail est indéniablement intéressant. Ils ont sollicité
avec beaucoup d'intelligence l'expertise internationale. Mais le fait de parler
de recommandations, j'ai même lu dans certains journaux de "commandements",
me semble totalement exagéré et même inadmissible. Ce n'est
pas le rôle d'une telle structure, issue de l'alliance d'intérêts
caritatifs, de faire de recommandations. Je ne sous-estime pas le bienfondé
de ce rapport : il confirme une bonne partie de ce que l'on savait déjà
et il ouvre des perspectives intéressantes, mais le Fonds est issu d'intérêts
privés, je ne crois pas qu'il soit habilité à faire des recommandations.
C'est le rôle des autorités sanitaires. Il faut que ces recommandations
émanent d'une entité légitime et dont la population a le
sentiment qu'elle est fiable. Le Programme national nutrition et santé
en France, par exemple, remplit tout à fait ce rôle. Il va d'ailleurs
bientôt être actualisé à partir de divers récents
rapports.
Cela démontre d'ailleurs l'importance de savoir se remettre en cause. En
médecine comme à peu près dans toute matière scientifique,
les vérités ne sont pas figées. Il faut savoir admettre et
dire que l'on ne sait pas tout et que ce qui semble vrai aujourd'hui peut s'avérer
faux demain.
Mais quelle est selon vous l'importance réelle
de l'alimentation dans la prévention des malades et notamment du cancer
?
Cette importance est considérable mais non exclusive. Bien sûr que
l'alimentation contribue à nous protéger ou à l'inverse,
selon ce qu'on mange. Mais il est quasiment impossible de séparer son influence
d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte : l'hérédité
mais aussi l'endroit dans lequel on vit jouent également un rôle
extrêmement important. La preuve avec le fameux régime crétois.
Nombre de spécialistes s'accordent à dire que le régime crétois
n'existe que si l'on vit de la même façon que les Crétois
il y a plusieurs dizaines d'années, c'est-à-dire sous le soleil,
en faisant de l'exercice, la sieste l'après-midi, etc. L'alimentation crétoise
n'est qu'une composante de ce régime.
|
|
Les fruits et légumes contiennent des nutriments essentiels
à notre bon fonctionnement.
|
|
Comment faire pour améliorer son alimentation
alors ? Ce n'est pas si facile
Avant tout, je voudrais être rassurant. Il faut arrêter de culpabiliser
les gens, c'est le meilleur moyen de leur faire perdre leurs moyens. Je vous rappelle
que l'espérance de vie de la population a tout de même largement
augmenté ces dernières décennies et que cela continue. Par
ailleurs, nous mangeons beaucoup mieux qu'au siècle dernier par exemple,
il ne faut donc pas faire de catastrophisme.
Ce sont les régimes hypercaloriques qui posent problème. On mange
plus alors qu'on a moins d'activité : cela crée forcément
un déséquilibre. Le conseil serait donc de manger de façon
raisonnable par rapport à son activité. Il est impossible de donner
des chiffres, car cela dépend des individus et des situations. Cela ne
veut pas dire qu'il ne faut pas faire d'excès et suivre à la lettre
les recommandations des autorités sanitaires, il suffit tout simplement
d'avoir une consommation à peu près équilibrée sur
le long terme.
Et ça se traduit comment, concrètement
?
Comme le recommande le Plan national nutrition et santé, il est bon de
manger cinq fruits et légumes par jour, car ils contiennent des nutriments
importants, de varier les aliments. Il faut limiter l'alcool et ce qui est trop
calorique. Dans le même temps, les fameuses 30 minutes quotidiennes de marche
rapide sont une très bonne idée.