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Interview
Mai 2007
Frédéric Saldmann : "Nous avons oublié les règles d'hygiène avec l'apparition des antibiotiques"
Le Dr Frédéric Saldmann est l'auteur de "On s'en lave les mains", un ouvrage paru fin mars 2007 aux éditions Flammarion et qui se veut un véritable guide des nouvelles règles d'hygiène. Cardiologue et nutritionniste, il attire notre attention sur tous ces gestes simples et salvateurs que nous avons oubliés.
Vous avez une formation de cardiologue. Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans les questions d'hygiène ? Pendant 20 ans, j'ai fait de la prévention cardio-vasculaire à l'hôpital. Or cette prévention porte essentiellement sur l'hygiène de vie. Si l'on fait attention à son poids, que l'on mange sainement et que l'on fait du sport, les risques d'accident cardio-vasculaires s'effondrent. J'ai également beaucoup travaillé sur les infections nosocomiales (infections contractées dans les hôpitaux, NDLR), pour constater que quelques gestes d'hygiène très simples suffisent à réduire les risques. La prévention c'est essentiel, d'où un engagement plus global de ma part aujourd'hui. D'autre part, nous vivons de plus en plus vieux, et notre immunité diminue avec l'âge. De même, il y a aujourd'hui 3 millions de diabétiques, qui sont beaucoup plus fragiles que les personnes non-malades. Il y a donc aujourd'hui une grosse population de personnes immuno-sensibles. Dans ces situations, des écarts d'hygiène insignifiants pour les uns peuvent créer de gros dégâts chez les autres. Pourriez-vous nous donner 5 conseils à appliquer au quotidien pour améliorer notre hygiène de vie ? - Se laver les mains. Cela reste pour moi le geste le plus important. - Laver et éplucher les fruits, ce qui permet de diminuer par 10 le risque d'ingérer des pesticides. En effectuant un épluchage " radin ", on conserve tout de même un maximum de vitamines. - Avoir une excellente hygiène dentaire : se brosser les dents soigneusement après chaque repas et ne pas oublier de changer de brosse à dents tous les mois. - Baisser le couvercle des toilettes avant de tirer la chasse d'eau, pour éviter de pulvériser des germes dans toute la pièce. - N'utiliser son mouchoir qu'une fois. Si l'on conserve un mouchoir usagé dans sa poche, les germes se multiplient d'autant plus vite qu'il fait chaud. Inévitablement, lorsque l'on se mouche la fois suivante, on se réinfecte. Vous affirmez que l'hygiène s'est détériorée toutes ces dernières années. Comment l'expliquez-vous ? L'hygiène n'est plus enseignée à l'école, on a oublié tous ces gestes salvateurs et faciles tels que se laver les mains. Dans les années 60, avec l'apparition des antibiotiques, on s'est mis à avoir beaucoup moins peur des infections et l'attention s'est relâchée. Moi, ça fait 20 ans que je milite pour qu'on en parle. Lorsque j'ai proposé ce livre à mon éditeur, il a dit oui, mais en me rappelant que cela faisait 50 ans qu'il n'avait pas publié un livre sur le sujet ! Mais à trop vouloir aseptiser, ne risque-t-on pas de devenir plus sensible aux microbes ? Disons qu'il faut agir avec bon sens et ne pas trop en faire. Par exemple, il est inutile et même nocif pour les femmes d'effectuer une toilette vaginale. La flore du vagin a un équilibre fragile et cela ne ferait que la détériorer. En revanche, les femmes oublient de s'essuyer en commençant par l'avant pour finir par l'arrière, l'anus pouvant ainsi contaminer le vagin. Rétablir le bon geste suffit, pas besoin d'en faire trop. Dans votre livre, vous abordez la question des purificateurs d'air, à l'efficacité discutable selon vous. Qu'en est-il des climatisations, présentes dans de nombreux bureaux ? La climatisation, c'est formidable. Mais il faut absolument la faire contrôler une fois par an. Il est primordial que la qualité de l'air soit bonne. Si des germes se logent dans la climatisation, ils sont ensuite propulsés dans toute la pièce et cela peut avoir des conséquences très graves. C'est ainsi qu'a eu lieu la première épidémie recensée de légionellose, en 1976, lors d'un congrès d'anciens combattants légionnaires américains. Vous soulignez également l'absence de législation pour des professions telles que tatoueur ou coiffeur, qui utilisent pourtant des instruments potentiellement dangereux pour les clients (aiguilles, ciseaux, ustensiles divers), d'où l'importance d'une vraie stérilisation. Comment expliquez-vous ce vide ? Je ne le comprends pas du tout ! J'attends que le nouveau gouvernement soit installé et je vais écrire au ministre de la Justice pour lui demander de légiférer. C'est totalement incompréhensible que cela ne soit pas encore fait. Chacun fait un peu comme il veut, et ce aux risques et périls du client mais aussi du commerçant. A l'étranger, les Français ont la réputation d'être sales et de moins se laver que la moyenne. Qu'en est-il ? C'est vrai que, comparativement à d'autres pays, notre niveau d'hygiène n'est pas au top. On le constate en comparant par exemple le nombre de brosses à dents acheté chaque année. Il est bas par rapport à d'autres pays Comment l'expliquer ? Je n'en ai aucune idée ! La dernière partie de votre ouvrage est consacrée aux maladies transmissibles de l'animal à l'homme. Est-ce pour vous le prochain défi à relever en matière de santé publique ? Oui je le crois. Ce ne sont pas des virus comme celui de la grippe aviaire qui m'inquiètent, mais plutôt les maladies véhiculées par les moustiques. Cela a commencé avec le chikungunya à la Réunion et je crois que cela va continuer, à cause du réchauffement climatique. Al Gore le signalait récemment et je suis totalement d'accord avec lui sur ce point. Nous devrions mettre en place un plan de lutte anti-moustiques, comme c'est déjà le cas à Singapour. Parmi les conseils faciles à suivre : éviter de laisser de l'eau stagner, même si c'est dans une écuelle sur un balcon.
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"On s'en lave les mains" Docteur Frédéric Saldmann Editions Flammarion. 300 pages, 19 .
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