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Interview
 
02/07/2007

Emilie Devienne : "L'enfant n'est pas le garant du couple"

Auteur du livre "Etre femme sans être mère", Emilie Devienne fait partie de ces 10 % de femmes françaises qui ont fait le choix de ne pas avoir d'enfant. Elle lève le voile sur ce fait de société encore mal connu et mal perçu.
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Qu'est-ce qui motive les femmes qui ne veulent pas avoir d'enfants ?

Les raisons sont nombreuses. Parmi elles, on retrouve le sentiment d'insécurité affectif ou matériel. Cette insécurité peut provenir de son éducation, de son passé, de sa situation professionnelle. Il y a des femmes qui ont peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir à accomplir ce que leur mère ont si bien réussi, ou alors, au contraire, ne veulent absolument pas reproduire ce qu'elles ont vécu pendant l'enfance. L'autre raison est, sans aucun doute, le regard que l'on porte sur le monde actuel. Pour ma part, c'est cela qui motive mon choix. Je crains une guerre énergétique dans l'avenir et ça ne me tente pas de plonger un enfant dans ce monde-là.

Comment la société juge-t-elle ces femmes qui ne souhaitent pas avoir d'enfants  ?

Ayant vécu pas mal d'années au Québec, je peux constater que cette situation est, aujourd'hui, beaucoup mieux acceptée là-bas qu'en France. Il y a environ 10 % de femmes qui font ce choix mais c'est un fait qui dérange la société française, finalement assez conservatrice. Ces femmes sont alors jugées de différentes façons. La plupart sont d'abord considérées comme suspectes. Pour les femmes qui n'ont pas un physique avantageux, les gens penseront, a priori, qu'elles n'ont pas réussi à trouver un compagnon. Mais pour celles qui sont en couple, les premières interrogations seront axées autour du corps, de la santé et d'éventuels problèmes gynécologiques. Sans oublier celles à qui l'on attribue une sexualité débridée. Il y a bien évidemment tous les clichés du genre "tu es égoïste", "tu ne veux pas abimer ton corps", "tu n'aimes pas les enfants", "tu as des problèmes psychologiques"… De toutes les façons, nous sommes considérées comme étranges. Même si j'ai pu constater une sorte d'admiration à notre égard. Certaines femmes sont envieuses. Un jour, une veille dame m'a confié : aujourd'hui, les femmes ont de la chance de pouvoir utiliser la pilule.

Peut-on en arriver à regretter ce choix ?

Je pense que les femmes qui, après coup, regrettent ce choix, ont trop idéalisé l'enfant. Il y a donc forcément une douleur. Mais si, dans le fait d'avoir un enfant, l'objectif est de s'associer et d'avoir un lien avec le monde de l'enfance, on peut tout à fait assumer d'autres rôles que celui de parents. On peut être tante, marraine ou avoir un métier en rapport avec les enfants.

Pensez-vous que la société pousse les femmes à faire des enfants ?

Ce sont surtout les hommes politiques qui nous y encouragent. Selon moi, le système religieux ne fonctionne plus. Mais la France a une vraie politique nataliste. Par ailleurs, le mini "baby boom" de ces derniers mois a été beaucoup repris dans la presse. En Allemagne, ce n'est pas vraiment le cas. C'est difficile pour les Allemandes d'allier vie de famille et vie professionnelle. En ce qui concerne le monde de l'entreprise, on ne peut pas dire qu'il soutient beaucoup les mères de famille. Si l'on parle des pays de l'Asie, en Inde particulièrement, mon expérience de voyageur m'a permis de constater que dans ces régions, le fait de ne pas avoir d'enfants est très mal perçu, surtout si l'on n'a pas de garçon. J'observe aussi que les gens qui ne veulent pas d'enfants sont des gens très éduqués avec un salaire assez élevé. Pour certains, avoir un enfant est un signe de réussite important.

"Dans un couple sans enfant, la communication est très importante"

Lorsque l'on fait le choix de ne pas avoir d'enfants, quelles sont les réactions de la famille et des amis ?

Nous n'échappons pas aux réflexions du type : "Mais qui va s'occuper de toi quand tu seras vieille ?" Pour les amis, la situation change quand ils commencent à faire des enfants. Ils aimeraient partager leur quotidien de jeunes parents avec vous. Et, pourquoi pas, avoir un enfant en même temps que vous. Au bout d'un certain temps, les sujets de conversation ne tournent plus qu'autour de l'enfant. Ce décalage peut provoquer une rupture. Il faut alors qu'il y ait de la compréhension des deux côtés, du respect et de l'authenticité. Ne pas essayer de se convaincre et évitez de dire : "ah, si tu avais un petit comme ça…".

Ne ressentez-vous pas un manque dans votre couple ?

Non, car c'est un réel choix pour nous. Et puis, mon mari a deux filles d'une première union. C'est très différent pour les femmes qui ont voulu un enfant mais qui n'ont pas pu à cause de problème de santé. Je ne pense pas non plus que l'enfant soit le garant du couple. Certaines personnes font le choix de faire un enfant en pensant que cela consolidera leur couple. Mais, il arrive que cela provoque l'effet inverse. Il y a aussi des couples qui vivent une crise le jour où leurs enfants quittent le nid familial. Ils se retrouvent face à eux-mêmes et n'ont plus rien à se dire. Dans un couple sans enfant, la communication est très importante. Pour ma part, je pense aussi que ça prouve qu'on a vraiment envie de construire une vie à deux. Et après tout, est-ce que le simple fait de tenir dans la durée, de laisser l'autre s'épanouir, n'est-il pas suffisant ?

Votre livre fait aussi réfléchir au fait d'être mère.

Le poids de la société reste assez déterminant. Et puis, la majorité des femmes ne se posent pas la question. Il y a un espèce d'enchaînement de vie, un parcours fléché. Mais je pense que le fait de concevoir un enfant demande une grande réflexion, sur l'éducation notamment. Un enfant, c'est une vie. On va conduire un être à se développer. Le monde de l'enfance est si fragile. Il ne faut pas plaisanter avec ça. Je vois beaucoup d'enfants aujourd'hui très mal dans leur peau et des parents qui n'ont pas envie d'assumer leur rôle d'autorité alors que la vie en société demande une grande rigueur et des valeurs. De nos jours, les femmes ont le luxe de choisir le moment où elles feront un enfant, elles ne doivent donc pas hésiter à prendre leur temps et à dire "et alors ?" à tous ceux qui leur disent "tu n'as pas encore d'enfants ?". Avoir des enfants est une cause très noble, il faut donc être à la hauteur.

Qu'en est-il des hommes et de leur désir d'enfant ?

Il y a 15 % d'hommes en France qui ne souhaitent pas avoir d'enfant. La plupart veulent donc un jour ou l'autre devenir père. Avant de rencontrer mon mari, j'ai eu deux histoires d'amour qui se sont terminées car je ne voulais pas d'enfants. Je conseille donc à toutes les femmes qui entament une relation, et qui pensent que cela peut durer, de ne pas attendre pour aborder le sujet. Dans tous les cas, il faut être sûre de son compagnon. Il arrive aussi que les règles du jeu changent au cours de la relation. J'ai constaté qu'un deuil dans la famille pouvait déclencher chez certaines personnes un soudain désir d'enfant.

Comment vous accomplissez-vous au quotidien ?

J'écris. Je donne libre cours à ma passion. Pour moi, il n'y a pas de bonheur avec un grand "B". Il faut accueillir tous les bonheurs avec un petit "b". Pour être heureux dans son couple, c'est la même chose. J'évite aussi de râler pour un oui ou pour un non.

 

En savoir plus
"Etre femme sans être mère"
Emilie Devienne
Les Editions Robert Laffont
189 pages
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