Août 2007
Mort subite du sportif : "La plupart des malformations cardiaques peuvent être détectées"
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Le tragique décès du footballeur espagnol Antonio Puerta, 22 ans, suscite de nombreuses interrogations : à quoi est-due sa mort ?
Aurait-elle pu être évitée ? Réponses du Dr Amoretti , cardiologue et directeur d'enseignement en médecine du sport à Paris. |
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Richard Amoretti est cardiologue et Directeur d'enseignement en médecine du sport au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Photo © DR
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"Les morts subites de sportifs sont plus fréquentes en compétition qu'à l'entrainement. " |
Qu'appelle-t-on exactement la mort subite du sportif ?
Ellel correspond à un arrêt cardiaque brutal qui survient pendant un effort physique chez quelqu'un présentant une malformation cardiaque ignorée.
Existe-t-il des examens pour dépister une malformation cardiaque ?
Bien sûr. Et pour cela, nous disposons d'un examen cardiologique pratiqué par un médecin du sport. En Italie, l'un des pays européens les plus à la pointe dans le domaine des examens sportifs, cet examen est obligatoire pour tous les professionnels, ce qui n'est pas le cas en France.
Néanmoins, depuis 2005, cet examen est obligatoire chez les sportifs de haut niveau, soit environ de
10 000 à 15 000 personnes chaque année. C'est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui détermine au cas par cas qui est ou n'est pas un sportif de haut niveau. Par exemple, la plupart des footballeurs de L1 ne sont pas considérés comme sportifs de haut niveau. Pour prétendre à ce titre, le fait de disputer des compétitions internationales est un critère déterminant.
Pourquoi cet examen n'est-il pas généralisé à tous les sportifs professionnels ?
Essentiellement pour des raisons financières. La sécurité sociale ne prend pas en charge les examens médicaux, qui sont donc à la charge du sportif.
Néanmoins, le ministère alloue une somme d'argent destinée aux examens médicaux aux clubs disposant dans leurs rangs de sportifs de haut niveau. De plus, les sponsors et fédérations des clubs peuvent également les prendre en charge.
Ce qui fait que finalement, la plupart des joueurs de football professionnels les ont subi. Mais c'est autre chose en ce qui concerne les plus petites fédérations.
En quoi consiste cet examen cardiologique ?
Généralement en un électrocardiogramme (ECG) fait au repos. Ce simple test permet de déceler 90% des malformations cardiaques. Seul un cardiologue pourra être en mesure d'interpréter correctement l'ECG car il faut avoir un il averti pour déceler une malformation.
Chez les sportifs de haut niveau, une échographie du cur et un ECG d'effort sont également pratiqués. Ces deux examens permettent de déceler pratiquement toute anomalie cardiaque. S'il s'avère que le sportif possède une malformation, le médecin va évidemment interdire la pratique d'un sport.
"Une échographie du coeur et un ECG d'effort permettent de détecter la plupart des malformations cardiaques." |
Un exemple pour illustrer l'efficacité du dépistage par ECG : la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), également appelée le gros cur du sportif, est une malformation très sévère à l'origine de nombreuses morts subites, mais facilement repérable par un ECG. En Italie, où cet examen est obligatoire, une CMH est en cause dans 1% des morts subites annuelles de sportifs jeunes (âgés de moins de 35 ans).
Aux Etats-Unis, où cet examen n'est pas obligatoire, il représente 30% des morts subites annuelles de sportifs jeunes.
Est-ce que la malformation dont souffrait Antonio Puerta était décelable ?
Ce jeune joueur souffrait, d'après son dossier médical, d'une dysplasie arythmogène du ventricule droit, malformation très difficile à déceler, mais pas impossible. Après, on peut penser que ce joueur était au courant de cette malformation mais qu'il a tout de même pris le risque de continuer la compétition pour des raisons connues de lui seul.
Autre chose à savoir, c'est que lors d'un transfert à l'étranger, le dossier médical ne suit pas forcément le joueur. En théorie, une malformation peut être connue du joueur et du staff médical de son club d'origine, mais rester inconnue de son futur club si ses médecins ne la décèlent pas et que le joueur choisit de ne pas la mentionner.
En Espagne, c'est un peu comme en France, l'examen cardiologique n'est pas systématique, même si la plupart des clubs de football professionnels, comme le FC Séville, le font.
Les sportifs professionnels sont-ils les seules victimes de mort subite ?
Non, elles peuvent également survenir chez des sujets non-sportifs atteints de malformations. Mais les sportifs ont 10 fois plus de risques d'en mourir que les sédentaires. Au sein même de la communauté sportive, il n'y a pas de sport qui présente plus de risques que d'autres. C'est l'intensité du sport pratiqué, et donc de l'effort physique, qui compte.
D'autre part, si la mort subite due à des malformations touche principalement les sportifs jeunes, entre 15 et 25 ans environ, celles qui surviennent après 45 ans ont pour cause des maladies cardiaques.
Y a t-il des facteurs favorisant l'arrêt cardiaque chez les personnes souffrant d'une malformation ?
Oui, le principal responsable étant le stress. Lorsque l'organisme subit un stress, ce qui est le cas lors d'un effort physique par exemple, il réagit en déchargeant une certaine dose d'adrénaline. La plupart des morts subites sont de nature adrénergique : c'est l'augmentation de la concentration en adrénaline qui est à l'origine de l'arrêt cardiaque.
D'autre part, la compétition est également une source de stress pour les sportifs, qui cumulée avec celle de l'effort physique, multipliera les risques de provoquer un arrêt. C'est pourquoi les morts subites sont plus fréquentes en compétition qu'à l'entraînement.
"Le dopage accroît les risques d'arrêt cardiaque." |
D'autres facteurs sont-ils en cause ?
Les problèmes de fatigue dûs à un surentraînement et au rythme harassant des compétitions sont également des facteurs de risques à ne pas négliger. A ces problèmes "naturels " de santé, viennent s'ajouter ceux liés au dopage.
Environ 90% des produits dopants, dont la cocaïne, des anabolisants ou des amphétamines, créent un stress supplémentaire car eux aussi stimulent la production d'adrénaline.
Donc, le dopage accroît le risque de survenue d'un arrêt cardiaque.
Il arrive parfois, assez rarement, qu'un excès de produits dopants dans l'organisme cause un arrêt cardiaque. Cela a notamment été le cas du cycliste Tom Simpson qui a trouvé la mort sur le Mont Ventoux lors du Tour de France 1969.
Le vrai problème, c'est que les sportifs se fournissent en produits dopants dans des centres médicaux et que, du coup, le suivi médical assuré par le médecin du club ne peut plus être pertinent. Les médecins véreux qui prescrivent des produits dopants ne se soucient finalement que très peu de la santé de leurs "patients". Mais il y a tellement d'enjeux, financiers notamment, qu'il est très pratiquement impossible d'arrêter cela.
Est-il possible de prévenir ces morts subites ?
Oui, tout à fait, si le dépistage est fait correctement. C'est pour cela que j'insiste sur le fait qu'il faut absolument sensibiliser les sportifs, le personnel médical et l'entourage à la nécessité d'examens médicaux approfondis, notamment cardiologiques, pour éviter que de jeunes sportifs décèdent prématurément.
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