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Interview
 
Août 2007

Yohann Derhy : "Grâce à la chirurgie plastique, on peut presque tout reconstruire"

Le docteur Derhy est chef de clinique en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique à l'hôpital Saint-Louis. Il explique comment des techniques très précises permettent aujourd'hui de reconstruire un nez, un sein ou même un visage, détruits suite à une opération, un accident ou une malformation. La chirurgie esthétique, mise en avant dans les médias, n'est que la partie "glamour" d'une discipline à la fois ultra-spécialisée et polyvalente.
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Yohann Derhy, chirurgien plasticien
 
Dès le début de son internat en chirurgie, Yohann Derhy a décidé de devenir plasticien. Photo © Yohann Derhy
 
"La chrirurgie plastique peut transformer la vie du patient"

Quelle est l'histoire de la chirurgie reconstructrice ?
Cette spécialité est née il y a plusieurs siècles, en Italie, où on a commencé à réparer les nez amputés des brigands, de façon punitive. Elle a connu son essor au XXe siècle, notamment avec les deux guerres mondiales et les fameuses "gueules cassées". Tout au long du siècle, on a acquis de meilleures connaissances en anatomie et depuis les années 1970, les techniques de chirurgie plastique et reconstructrice ont fait des progrès phénoménaux, grâce à la microchirurgie.

Aujourd'hui, on est capable de tout reconstruire, même si le résultat n'est pas toujours parfait. Un plasticien peut réparer de la tête aux pieds.

 

Pourquoi avez-vous choisi cette spécialité ?
Lorsque j'étais au début de mon internat de chirurgie, j'ai assisté à la reconstruction mammaire d'une femme qui avait dû subir l'ablation d'un sein pour cancer. J'ai été extrêmement impressionné par la technique des chirurgiens et par le résultat. Cette femme avait pu retrouver sa féminité et atténuer ainsi la douleur morale liée au souvenir quotidien du cancer devant l'absence de sein. A l'époque, j'étais novice, sans connaissances particulières, et j'avais trouvé ça presque magique. J'ai donc décidé de suivre cette voie.

 

Une voie qui semble assez longue ?
Absolument. Il faut compter entre 13 et 15 ans d'études avant d'être officiellement chirurgien plasticien. Il y a bien sûr le cursus de 6 années de médecine générale, puis les 5 années d'internat de chirurgie, la spécialisation en chirurgie générale et la sur-spécialisation en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, suivie du clinicat de 2 ans dans cette spécialité. Le tout agrémenté de deux concours, l'un en 1re année et l'autre en 6e année, pour accéder à l'internat.

 

"600 à 700 spécialistes de la reconstruction en France"

Quelles sont les opérations les plus fréquentes en termes de chirurgie réparatrice ?
Je dirais la reconstruction mammaire et les réparations après cancer de la peau.
En ce qui concerne la chirurgie du sein, elle intervient le plus souvent après une ablation du sein suite à un cancer. Aujourd'hui, les techniques se sont significativement améliorées et les possibilités de reconstruction permettent de s'adapter à chaque cas de patient, avec des résultats très satisfaisants.
Pour les cancers de la peau, la reconstruction dépend du délabrement généré par l'ablation de la tumeur. Les choix techniques vont du très simple au très compliqué. Les cas complexes correspondent aux réparations de pertes de substances profondes exposant des organes nobles (cerveau, poumons…) ou aux reconstructions d'organes en trois dimensions (par exemple le nez, l'oreille etc). Les contraintes ne sont pas les mêmes selon les parties du corps concernées.

Grâce à la microchirurgie, on peut désormais réaliser ces reconstructions complexes, et même pratiquer des greffes de la main ou du visage, comme on l'a vu récemment. Enfin, quoi qu'il en soit, même si un chirurgien se spécialise dans la reconstruction de telle ou telle partie du corps, ce n'est jamais le même cas de figure. C'est ce qui en fait un métier passionnant.

 

Combien êtes-vous en France ?
Je dirais qu'il y a entre 600 et 700 spécialistes de la reconstruction en France. Mais beaucoup de plasticiens délaissent la chirurgie réparatrice pour s'orienter exclusivement vers l'esthétique alors qu'il s'agit à mon sens d'un domaine passionnant qui est tout à fait compatible avec l'exercice de la chirurgie esthétique.

Aujourd'hui, l'essentiel de la chirurgie reconstructrice se passe dans des hôpitaux qui ont des infrastructures assez développées pour gérer les cas "lourds". Les listes d'attentes sont forcément très longues, du fait du faible nombre de services hospitaliers universitaires de chirurgie réparatrice (NDLR : 3 services de chirurgie adulte pour toute l'Île de France). Je pense que l'avenir est à une meilleure prise en charge de nos patients par le développement d'une étroite collaboration entre l'hôpital pour la formation universitaire et la gestion de cas très lourds, et les cliniques privées pour la prise en charge efficace et rapide des cas plus classiques et donc bien plus nombreux.

 

Comment expliquez-vous que l'on parle essentiellement de la chirurgie esthétique et non réparatrice ?
La chirurgie esthétique est en quelque sorte la partie émergée de l'iceberg, parce que facile d'accès et dans l'air du temps qui positionne l'image au centre du social. Cependant, si l'aspect esthétique a été très médiatisé, il ne faut pas le dénigrer car la chirurgie esthétique, en réparant une disgrâce, est en soi une chirurgie réparatrice qui aide de nombreux patients.

Cela n'exclut pas l'existence de tribunes pour la chirurgie reconstructrice, afin d'informer nos patients sur des possibilités thérapeutiques qu'ils ignorent. En effet, il existe une vraie méconnaissance de la chirurgie réparatrice principalement liée à l'absence de son enseignement dans le cursus des 6 premières années de médecine. Ainsi, il arrive même que des confrères médecins déconseillent à leurs patients de faire appel à nous, parce qu'ils en sont restés aux balbutiements de notre spécialité. C'est le cas de certains gynécologues, heureusement très rares, qui déconseillent de se faire reconstruire un sein, parce qu'ils ont vu des échecs chez certaines de leurs patientes.

Aujourd'hui, même si l'on ne peut pas écarter le risque qu'une opération échoue, la plupart du temps ce sont des succès qui transforment la vie du patient et qui méritent le plus souvent de tenter l'aventure. Récemment, j'ai opéré un homme qui n'avait plus de nez, suite à un cancer. Il a mis plusieurs mois avant de consulter car on lui avait plutôt conseillé une prothèse. Pourtant, il ne pouvait s'y résoudre, celle-ci lui renvoyant au quotidien la souffrance de sa mutilation. Aujourd'hui, il a retrouvé un nez, il est satisfait et heureux.

 

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