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Janvier 2008

"A chacun sa raison pour arrêter"

Le Pr Dautzenberg, pneumologue et président de l'Office français de prévention du Tabagisme, a fait le point lors d'une séance de chat sur les méthodes pour en finir avec le tabac : champix®, thérapie de groupe, substitutifs nicotiniques, etc.
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Le Pr Dautzenberg est pneumologue et président de l'Office français de prévention du Tabagisme
Photo © L'internaute magazine
 
"En terme de toxicité, il n'y a pas de petit fumeur."

Pensez-vous que la loi d'interdiction de fumer dans les lieux publics est une bonne solution pour dissuader les gens de fumer ? Ne vaudrait-il pas mieux avoir plus de consultations spécialisées par exemple ?
Pr Dautzenberg : malheureusement cette loi ne va que peu diminuer le tabagisme (aucun effet en février 2007). En revanche cette loi protège bien les non fumeurs, elle est faite pour cela. Il faudra d'autres mesures pour les fumeurs.

Qu'est-ce qui pousse généralement les fumeurs à arrêter ?
Il y a de multiples raisons. Chacun à la sienne. Après 40 ans, la santé vient en numéro 1. Chez les jeunes, le prix, la volonté de ne pas être dépendant, l'amour d'une fille, le désir d'enfants, etc.

J'ai 46 ans, je suis un petit fumeur depuis l'âge de 15 ans, j'aimerais savoir s'il est vraiment nécessaire d'arrêter de fumer quand on ne fume que deux cigarettes par plaisir et par jour après les repas?
En terme de toxicité, il n'y a pas de petit fumeur. Par exemple en fumant de une à quatre cigarettes par jour, on a 80% du risque d'infarctus du myocarde de celui qui fume un paquet par jour. Et pour savoir si vous êtes dépendant : arrêtez un mois, si vous avez un "manque" c'est que vous êtes dépendant.

 

"Faites progresser votre désir d'arrêt complet en comparant les avantages et les inconvénients de fumer."

J'aimerais m'arrêter, je voudrais, je veux, il faudrait que, ils me disent tous qu'il faut que ... je m'arrête ! Comment savoir quand j'y suis prêt ?
Le plus tôt est toujours le mieux. Si on est un fumeur dépendant (qui fume dans l'heure du lever) il faut si possible fixer une date, par exemple le jour de la saint Valentin ou lundi prochain et se préparer à l'arrêt en organisant sa vie de non fumeur. C'est-à-dire rendre les pauses autrement, avoir une activité physique plus importante, retrouver les goûts des aliments, ce qui vous conduira à mettre moins de sel, à manger moins de graisse, plus de légume. Si vous n'êtes pas prêt, faites des essais. Essayez d'alterner les substituts nicotiniques et vos cigarettes par exemple dans un premier temps et faites progresser votre désir d'arrêt complet en comparant les avantages et les inconvénients de fumer.

Je fume depuis 28 ans environ, dans les derniers temps j'en étais à plus d'un paquet par jour. J'ai arrêté depuis 5 jours, sans substitut, pas pour moi pour mon entourage qui est non fumeur... A partir de quand cela sera le plus difficile ?
Si on ne fume pas dans l'heure du lever, différemment le week-end qu'en semaine, l'arrêt peut très bien se faire par la seule volonté. Si on est très dépendant, il est dommage de ne pas se faire aider plus car même en se faisant aider, beaucoup de fumeurs n'arrivent pas à arrêter la première fois. Dans votre cas si le début de l'arrêt parait "trop facile" il faut vous méfier et ne pas baisser votre motivation qui doit être très forte durant 3 mois et forte durant un an. En arrêtant de fumer, le cerveau garde des années la mémoire de la cigarette et la rechute est toujours possible.


J'ai essayé à plusieurs reprises d'arrêter, mais rien à faire. J'ai essayé les patchs, ça m'a donné des allergies. Que faire? Je pense que le problème est celui du réflexe gestuel de la cigarette.
La gestuelle de la cigarette est souvent moins importante que les fumeurs ne le pensent. Il existe bien d'autre traitement que le patch si vous êtes dépendant et une analyse de votre dépendance gestuelle, sociale, chimique, comportementale... par un tabacologue peut vous aider à faire la part des choses et à réussir votre arrêt. Ne restez pas seul pour arrêter de fumer quand vous n'y arrivez pas.

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"Quand on est enceinte, l'idéal est de se faire aider"

Je suis fumeuse et je viens d'apprendre que je suis enceinte mais malheureusement je ne sais comment arrêter. Avez-vous des conseils à me donner ? Est-ce que fumer 5 cigarettes par jour au lieu de 15 auparavant changent vraiment les choses pour la grossesse ?
Il ne sert à rien de réduire si on est dépendant sans prendre de substitution. Il faut arrêter de fumer dans l'idéal avant la grossesse (c'est plus facile) et en tout état de cause avant la fin du troisième mois, le bébé pourra alors grossir normalement. Mais quand on est enceinte, l'idéal est de se faire aider. Peut-être votre maternité a-t-elle un système de prise en charge ? Sinon, téléphonez à tabac info service (0825 309 310) pour demander de l'aide dans votre région.


Malgré ma motivation pour arrêter, j'ai déjà eu 3 rechutes. Comment les éviter ?
La moitié des fumeurs dépendants qui ont arrêté depuis 3 mois de fumer rechutent dans l'année qui suit. Le tabac est une drogue dure (en ce qui concerne la dépendance). Il faut prévenir ces rechutes et ne plus jamais fumer une cigarette. Quand on a bu du vin au petit déjeuner, on ne doit plus boire une goutte d'alcool. Quand on a fumé dans l'heure du lever, on ne doit plus jamais fumer une cigarette.

Avez-vous des petites astuces pour "calmer" les sensations de manque pendant la période d'arrêt, surtout au début ?
Il faut se traiter si 'on est dépendant, cela divise par trois les manques. Il faut toujours avoir des gommes dans la poche et s'inventer une activité pour pallier aux manques qui le plus souvent sont brefs. Cette activité ne sera bien entendu pas le grignotage. Pour les femmes, il vaut mieux arrêter de fumer en début de cycle.

Mais ne peut-on pas devenir dépendant à ces gommes ? Je connais quelqu'un qui n'arrive pas à s'en passer alors qu'il a arrêté de fumer il y a plus d'un an !
On ne peut pas devenir dépendant aux gommes. En revanche certains fumeurs qui sont devenus dépendants à la nicotine de la cigarette, restent dépendants à la nicotine des gommes quand ils s'arrêtent de fumer. Ce n'est pas très grave mais il ne faut surtout pas que l'arrêt des gommes les conduisent à refumer. Le remplacement des gommes par le patch peut être une solution. Mais là encore, le conseil est de consulter ou de téléphoner à tabac info service, chaque cas est un cas particulier.

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Photo © L'internaute magazine
 
"C'est le fumeur qui arrête, pas son conjoint ou son entourage."

Je pense avoir avancé tous les arguments pour convaincre mon ami de fumer. Rien n'y fait, il a arrêté une fois 6 mois, puis a replongé. Comment l'amener à arrêter? Je ne le comprends pas.
C'est le fumeur qui arrête, pas son conjoint ou son entourage. De trop conseiller, on énerve et on est contreproductif. Il n'y a que les enfants qui peuvent être un peu "lourd" avec leurs parents pour les faire arrêter. En revanche il est bien accepté de donner des règles : "ok tu n'es pas prêt à arrêter mais on ne fume plus à la maison, on ne fume plus dans la voiture...". Cela est accepté, surtout en ce début janvier. Et puis décrire le bonheur d'être non fumeur : d'être libre, d'être un peu plus riche, de ne plus avoir la peau grise...

J'ai entendu parler des consultations dites tabacologiques, généralement à l'hôpital, à qui s'adressent t-elles ? Comment en bénéficier ?
Les 700 consultations de tabacologie (majoritairement hospitalières) sont ouvertes à tous. Si on fume dans l'heure du lever, si on a des difficultés à arrêter, il ne faut pas hésiter à consulter, il y en a une dans votre région.

Comment fonctionne les prises en charge de la sécurité sociale pour un sevrage tabagique ?
L'assurance maladie rembourse jusqu'à 50 euros une fois par an chaque fumeur. Il faut une ordonnance où il n'y ait que les produits d'arrêts acceptés (substituts nicotiniques et varénicline (Champix®). Voir sur www.ameli.fr), payer le pharmacien puis vous serez remboursé en envoyant l'ordonnance et la feuille de sécu à votre centre. Souvent votre mutuelle complètera.

On m'a offert le bouquin d'Allen Carr pour arrêter de fumer. J'ai l'impression de déjà savoir depuis longtemps tout ce qu'il dit. Pensez-vous que ce bouquin soit utile ?
Non, ce qui me gène surtout, c'est que ce livre interdit les méthodes efficaces.
Il pourrait aider certains s'il n'interdisait pas d'utiliser en même temps les méthodes qui ont scientifiquement prouvé une efficacité.

 

"La complication qu'il faut le plus redouter est la dépression qui n'est pas liée spécifiquement au produit mais à l'arrêt du tabac. "

Est-ce que le Champix® fonctionne vraiment et a-t-on assez de recul pour bien connaître les effets secondaires sur le cerveau ? La varénicline est un inhibiteur qui à la fois stimule certains des récepteurs du cerveau à la nicotine, donnant l'impression (agréable au fumeur) que l'on a fumé et inhibe ces récepteurs, faisant diminuer le manque.
La complication qu'il faut le plus redouter est la dépression qui n'est pas liée spécifiquement au produit mais à l'arrêt du tabac. Le "cigarette blues" est fréquent à l'arrêt du tabac comme le "baby blues" après un accouchement.

J'ai lu que le champix® avait, entres autres, comme effet secondaire, de provoquer des dépressions pouvant aller jusqu'au suicide. Du coup, les médecins continuent-ils à le prescrire ? Ne devrait-on pas appliquer le principe de précaution ?
En terme de tabac on n'est pas en principe de précaution mais de certitude d'une dangerosité importante. 50% des fumeurs réguliers meurent du tabac. Les fumeurs ont 2 à 4 fois plus de risque de suicide que les non fumeurs. Plus de 5000 des 13,5 millions de fumeurs se suicident chaque année, soit environ 1/3000. Sous varénicline, on a décrit 2 suicides sur 350 000 traitements (je pense qu'il y en a d'autres qui n'ont pas été signalés mais le risque est moindre qu'en fumant). Ce qui est dangereux n'est pas d'arrêter de fumer, mais c'est de fumer.

Peut-on faire une vraie dépression nerveuse à cause de l'arrêt du tabac et comment la prévenir ?
Oui, si on a déjà fait dans sa vie une dépression, il faut arrêter à un moment où on est bien équilibré et se faire aider soit par son psy soit grâce à une consultation de tabacologie (liste sur oft-asso.fr) ou téléphoner à Tabac Info Service au 0825 309 310, un tabacologue vous répond du lundi au samedi jusqu'à 20 heure.

 

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"Les méthodes douces ne marchent pas mieux que le placebo."

Les patchs contiennent de la nicotine, donc comment se fait-il qu'ils n'entraînent pas de dépendance ?
Tout est dans la vitesse à laquelle la nicotine arrive au cerveau. La cigarette donne un shoot et arrive au cerveau en 7 secondes donnant une forte dépendance, la nicotine de la pipe arrive un peu plus lentement, donne un peu moins de dépendance, les substituts nicotiniques oraux donnent très très peu de dépendance, car la nicotine arrive encore plus lentement (ils ne peuvent que maintenir une dépendance induite par la cigarette). Les patchs délivrent très progressivement la nicotine au cerveau et ne donnent pas de dépendance. Mais tout cela c'est de la nicotine qui vient des mêmes champs de tabac et qui n'est pas le produit réellement toxique de la fumée de tabac.

Que pensez-vous de l'homéopathie, de l'hypnose et autres méthodes douces pour un sevrage ?
Les méthodes douces ne marchent pas mieux que le placebo. Mais le placebo marche car arrêter de fumer fait appel à la suggestion. Ainsi faire de l'acupuncture en piquant aux "bons endroits" ou ailleurs ne change rien au succès de l'arrêt, mais l'acupuncture marche mieux que pas de traitement. Ceci est une claire démonstration de l'efficacité de l'effet placebo pour l'arrêt.

Que pensez-vous de la cigarette électronique ?
La cigarette électronique inventées par les chinois est un dispositif qui contient une capsule avec une forte, une moyenne ou une absence de nicotine dans un tube imitant une cigarette et ressemble beaucoup à un médicament vendu en pharmacie (l'inhalateur) mais en plus "fun" car une lampe rouge s'allume quand on inspire et un peu de vapeur d'eau imite la fumée. Mais ce dispositif qui n'est ni une cigarette ni un médicament n'a pas été testé contrairement à l'inhalateur.

Après un infarctus, est-ce que le fait d'arrêter de fumer réduit vraiment les risques d'en faire un autre ?
En continuant à fumer après un infarctus le risque de décès la première année est multiplié par deux si on reprend la cigarette. Donc, si vous avez eu un infarctus, il faut mettre une grande énergie pour ne pas reprendre la cigarette et vous faire aider.

En savoir plus

Le site de l'Office français de prévention du Tabagisme
Le site de tabac-info-service
Joindre Tabac Info Service, de 08h à 20h, du lundi au samedi :
0825.309.310 (0.15 euros la minute).

 

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Sur l'Internaute Actualité :
Interdiction de fumer : la loi, tour d'Europe, votre avis...


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