Ces applis et capteurs connectés qui détectent les ronflements

Alors que les apnées du sommeil sont sous-diagnostiquées en France, les solutions connectées se multiplient pour détecter les ronflements et les pauses respiratoires. Une bonne idée ?

Ces applis et capteurs connectés qui détectent les ronflements
© Ana Blazic Pavlovic - 123 RF

On ne compte plus les applications et objets connectés dédiés au sommeil. Parmi eux, certains sont spécialisés dans la détection des apnées du sommeil, un trouble du sommeil touchant 4 % des Français, mais qui demeure mal diagnostiqué. Les apnées du sommeil se caractérisent par des interruptions ou des réductions de la respiration durant le sommeil. Ces pauses respiratoires durent de 10 à 30 secondes, voire plus, et peuvent se répéter une centaine de fois par nuit. Cette diminution de la ventilation pendant le sommeil provoque un manque en oxygène. Conséquence : la personne se réveille plusieurs fois par nuit pour reprendre sa respiration ("micro-éveils"), son sommeil est saccadé, de mauvaise qualité et accompagné de ronflements.

Dans ce contexte, apparaissent sur le marché de la e-santé des objets connectés dédiés aux apnées du sommeil. On trouve notamment des capteurs connectés à glisser entre le matelas et les draps ou intégrés dans des bracelets connectés que l'on porte la nuit. Leur principe ? Ils enregistrent, via des micros, les sons émis pendant le sommeil afin de mettre en évidence des irrégularités voire des pauses respiratoires et des ronflements. Certains permettent également de détecter les mouvements du corps ou encore de mesurer le rythme cardiaque de l'utilisateur. Toutes les données recueillies sont transmises à votre mobile ou à une base connectée via Bluetooth sous forme de données et courbes qui indiquent notamment si la personne ronfle et à quelle intensité. Il existe par ailleurs des oxymètres de pouls, à poser au bout du doigt pendant la nuit, ou intégrés aux bracelets connectés afin de mesurer la saturation en oxygène dans les capillaires sanguins. Lorsque le pourcentage obtenu est faible (ce qui suggère une diminution de la saturation) cela peut être évocateur d'une apnée du sommeil.

Fiable pour détecter des apnées ?

La réponse est Non. "Pour l'heure, on ne peut pas considérer ces objets comme des outils pour établir un diagnostic", affirme Isabelle Guy, responsable de l'unité sommeil à l'Hôpital Nord Franche-Comté (Belfort). Et cela pour plusieurs raisons. D'abord, "ces capteurs sont encore imprécis et pas suffisamment fiables pour permettre une analyse pertinente", explique cette spécialiste des apnées du sommeil. En effet, précise-t-elle, si le capteur est mal placé ou s'il bouge pendant la nuit cela peut fausser les résultats. De même, il est compliqué de distinguer les bruits de l'utilisateur de ceux de son conjoint et de l'environnement. Enfin, ces outils ont du mal à distinguer l'état de sommeil de l'état d'éveil, ce qui peut encore fausser les données. L'autre problème, c'est que ces objets ne prennent pas en compte l'ensemble des variables physiologiques nécessaires au diagnostic d'apnée. Il est donc impossible de qualifier le type d'apnée et leur sévérité avec ces objets. "Aujourd'hui, ces objets sont incapables d'analyser tous les paramètres en même temps, commente Isabelle Guy. Diagnostiquer une apnée du sommeil implique l'interprétation de plusieurs données physiologiques, ce qui n'est pas toujours simple, même pour les médecins !" Un point de vue que confirme le Dr Sylvie Royant Parola, psychiatre spécialisée dans les troubles du sommeil, qui rappelle en outre qu'aucun n'a fait l'objet d'étude scientifique. "Oui, ils sont prometteurs, ajoute-t-elle, et peut-être que l'on disposera dans 10 ans de mini laboratoires du sommeil à domicile, mais on n'en est pas là, c'est clairement prématuré !"

Reste que les spécialistes du sommeil considèrent que ces applications et capteurs peuvent néanmoins être utiles pour inciter à consulter un médecin. "Ils peuvent être un prélude à une consultation, en particulier pour les personnes qui vivent seules et qui ne savent pas si elles ronflent", commente Sylvie Royant-Parola. A condition toutefois de choisir une application sommeil qui n'envoie ni signal lumineux, ni notification pendant la nuit, afin de ne pas perturber votre sommeil...

L'université Paris-Diderot et le Centre de Responsabilité Santé Connectée (CRSC) du pôle "Cœur–Vaisseaux" de l'hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP) ouvrent une formation dédiée aux personnes qui souhaitent s'impliquer dans des projets de e-santé : Le "Diplôme Universitaire multidisciplinaire en Santé Connectée". Informations et contact www.medecine-connectee.fr