Le témoignage de Caroline en mission MSF en Guinée contre Ebola

Caroline a 34 ans et est anthropologue. Elle vient d'arriver pour une mission de plusieurs semaines, comme responsable en promotion de la santé à Conakry en Guinée, l'un des trois pays d'Afrique de l'Ouest les plus touchés par le virus. Elle raconte.

Le témoignage de Caroline en mission MSF en Guinée contre Ebola
© Julien Rey/MSF

Elle est arrivée à Conakry il y a moins d'une semaine. C'est sa deuxième mission en Guinée depuis le début de l'épidémie Ebola. Son job ? Superviser et former les équipes qui mènent des actions de sensibilisation et de prévention auprès des populations. Il s'agit à la fois d'expliquer ce qu'est la maladie Ebola afin que les personnes soient dépistées plus vite, mais aussi d'informer les patients et leurs proches dans les Centres de traitement. Dans un contexte de peur et de rumeurs, omniprésentes, son rôle est aussi de promouvoir les actions de MSF afin qu'elles soient mieux comprises et mieux acceptées. Entretien.


En quoi consiste votre nouvelle mission ?
D'abord il s'agit d'apporter un maximum d'informations sur la maladie Ebola : comment elle se transmet, quels sont ses symptômes, que faire lorsque les premiers signes apparaissent, etc. Par exemple, l'idée selon laquelle cette maladie est mortelle et que l'on ne dispose ni vaccin, ni traitements a beaucoup circulé. Et forcément, elle a donné lieu à beaucoup d'incompréhensions. Ce qui fait qu'on a eu ensuite du mal à expliquer aux gens l'intérêt de leur donner des traitements symptomatiques. Le fait d'expliquer pourquoi on donne ce type de traitements est donc très important. Et surtout, le message le plus important à communiquer, c'est d'expliquer que plus tôt les malades arrivent pour se faire soigner, plus le diagnostic est rapide, et plus vite on coupera la chaîne de transmission. 
 
Votre rôle est aussi d'expliquer aux guinéens les actions de MSF ?
Oui tout à fait, l'autre biais de la mission, c'est de promouvoir les actions de MSF dans les Centres de traitements d'Ebola, mais aussi directement auprès des populations locales, pour qu'elles comprennent mieux ce que l'on fait. Vous savez cela peut être très angoissant de voir arriver chez soi une équipe de personnels MSF, habillés de leurs tenues de protection et armée de chlore pour désinfecter les lieux. Ca n'est pas courant de voir cela... Alors, effectivement, on explique le rôle des hygiénistes qui s'occupent de désinfecter les maisons : qui ils sont, pourquoi ils font cela, pourquoi ils sont habillés de cette façon, quelles sont les règles d'hygiène à suivre, etc. Cela permet de dédramatiser.

Quels moyens utilisez-vous pour sensibiliser et informer ?
Divers outils sont utilisés par les différentes ONG pour informer, par exemple des affichages de posters ou encore des messages diffusés à la radio. Mais de plus en plus, nous souhaitons utiliser le dialogue et la discussion. Cela permet d'adapter nos messages en fonction de la compréhension de chacun. Par exemple, les gens déjà confrontés à la maladie ont déjà certaines informations. Ce que l'on fait généralement, c'est qu'on commence par les interroger pour savoir ce qu'ils connaissent déjà, on les laisse s'exprimer, et à partir de là, on complète leurs connaissances. Cela permet de les faire participer. Ils sont davantage acteurs et non de simples récepteurs d'informations.
 
Vous accueillez les malades dans les centres de traitement. Que leur dites-vous ?
Oui, on a des équipes qui sensibilisent toute les personnes qui arrivent au centre de traitement. On leur donne des informations basiques sur Ebola, on leur explique comment on s'occupe des patients dans le centre, mais aussi quelles sont les règles d'hygiène. Par exemple, qu'il ne faut pas passer d'objets à l'extérieur. On parle aussi de l'importance de prendre ses traitements, de bien s'alimenter et de bien s'hydrater. On informe également les proches des patients.

Les proches sont-ils admis dans ces centres pour rendre visite aux malades ?
Tout dépend de l'état du patient, mais oui, on respecte beaucoup le maintien des liens entre les patients et leurs proches. C'est pour cette raison que lorsqu'un malade arrive, on fait visiter à ses proches la zone à bas risque, c'est à dire la zone où ils peuvent venir lui rendre visite. C'est très important d'expliquer cela tout de suite car les gens ont très peur. Le fait de leur faire visiter les lieux leur permet de se les approprier et donc d'y venir plus spontanément. On leur dit aussi qu'ils peuvent amener à manger à leurs proches. Comme chez nous, la nourriture est un excellent moyen de maintenir un lien social !

Vous intervenez aussi lors de la sortie des patients du Centre de traitement... 
Certains patients sortent du centre après que les tests aient finalement révélé qu'ils n'étaient pas malades. C'est important de leur expliquer que même si le test est négatif, ils peuvent quand même attraper le virus Ebola. A l'inverse des patients qui ont guéri et qui sont donc immunisés, ils doivent donc encore se protéger. Il y a parfois une confusion...
 
Et en ce qui concerne les patients guéris justement, on a beaucoup dit qu'ils étaient stigmatisés après leur sortie. C'est toujours le cas ?
Oui, depuis le début de l'épidémie il y a beaucoup de peur et les patients sont en effet souvent stigmatisés, c'est vrai. Pour éviter cela, on les encourage à former eux-mêmes les populations. Ainsi, ils expliquent comment sont pris les malades dans les centres, comment ça se passe, comment ils sont soignés, etc. C'est bien, ça a un impact plus important lorsque c'est un guinéen qui fait cela. Ce n'est pas quelqu'un de l'extérieur, c'est un des leur. Le message passe mieux. Et puis c'est encourageant de voir que c'est possible de guérir : ça donne de l'espoir !

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez actuellement ?
C'est surtout la gestion de la peur qui est compliquée. Même si les guinéens continuent à vivre quasi normalement, les craintes sont là, c'est indéniable. Le virus Ebola génère aussi beaucoup de rumeurs depuis le début de l'épidémie. Ces rumeurs évoluent mais malheureusement il y a encore des gens qui ne croient pas à la maladie... Encore une fois c'est pour cela que c'est extrêmement important d'expliquer comment fonctionne le centre de traitement.

Vous-même, avez-vous peur ?
Vous savez lorsqu'il y a une épidémie comme celle-ci, le plus important est de bien respecter toutes les mesures et règles de protection contre la maladie. Il ne faut jamais se relâcher et pour cela c'est important de conserver un minimum de peur...

Est-ce qu'il y a aussi des moments d'espoir malgré tout ?
Oui bien sûr, il y a heureusement des patients qui sortent guéris. Depuis mon arrivée, j'en ai vu plusieurs. C'est important pour les guinéens de voir qu'on peut s'en sortir mais aussi pour les expatriés MSF qui voient que leur travail est utile. C'est positif pour tout le monde !
 
Crédit photo : Julien Rey/MSF
 
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