Guérisseurs, médecins, médicaments : méfiez-vous des imitations On trouve de tout sur Internet

Découvert au fil de nos recherches, début juin : dans le plus célèbre des moteurs de recherche, tapez "médicaments sur internet". Le premier lien commercial à remonter en haut de page est celui de GetPharma. Curieux, nous cliquons pour voir de quoi il retourne. Et là, ô surprise : c'est la caverne d'Ali Baba version "drug addict".  Vous voulez du Viagra® ? Pas de problème, il n'y a qu'à cliquer ! La pilule contraceptive ? Mais allez-y, servez-vous ! En manque de pénicilline ? Venez donc vous approvisionner. Avec une déconcertante facilité, vous pouvez vous constituer un véritable petit panier de médicaments en tous genres, que vous payez en ligne et que vous recevrez par la poste, en provenance direct des Etats-Unis. Le tout pour des prix très abordables. Depuis début juin, le site en question a fermé. Mais, fort aimables, ses administrateurs recommandent un site similaire, où l'on pourra de nouveau faire ses emplettes en toute quiétude.

"Ce type de site est totalement interdit en France, confirme Anouk Hattab-Abrahams, avocate spécialiste en droit européen au cabinet Ulys. En général, ils sont basés dans des pays comme les Etats-Unis (en ce qui concerne les vrais médicaments), beaucoup plus permissifs sur ce plan. En Amérique du Nord, le système est très différent. Cela vient probablement du fait que des millions d'Américains ne bénéficient d'aucune couverture sociale. Or le simple fait d'aller consulter un médecin coûte 100 dollars. Tout le monde ne peut pas se le permettre. Si certains sites frauduleux sont complètement interdits, d'autres bénéficient de certifications ou de labels qui leur permettent ainsi de vendre des médicaments. Ce genre de site ne pourrait pas survivre en Union européenne. En ce qui concerne les faux médicaments, les sites sont plutôt basés en Chine ou en Inde."

Pour les sites internet européens, la situation se complique. Entre contexte national et législation européenne, il est parfois difficile de s'y retrouver.

  "L'exemple le plus sûr pour le consommateur et le plus exportable, à mon avis, explique Anouk Hattab-Abrahams, est celui des pays scandinaves. Certains sites peuvent délivrer des produits médicaux, sur ordonnance et sous contrôle de professionnels. Etant donné la faible densité de population dans certaines régions, cette solution est très pratique. C'est le type de sites que le gouvernement français pourrait tout à fait envisager d'autoriser." A ceci prêt que les pharmaciens sont censés voir le patient à qui ils fournissent le médicament.

 D'autres pays, à l'image de la Hollande, autorisent la vente en ligne de certains médicaments avec et sans prescription médicale, sur leur territoire. Au sein du pays, aucun problème donc pour les commander sur Internet. Mais qu'advient-il de ceux qui commanderaient des produits depuis l'Allemagne ou la France par exemple, où ils ne sont disponibles que sur prescription ? La Cour européenne de justice a récemment donné raison à l'Allemagne qui s'était opposée à ce que le site hollandais DocMorris vende des médicaments en ligne aux citoyens allemands. La Cour a considéré que bien qu'il s'agisse effectivement d'une restriction des échanges, normalement proscrite au sein de l'Union européenne, l'Allemagne peut interdire la vente de médicaments devant être prescrits sur ordonnance ou délivrés exclusivement par des pharmaciens. "La Cour a précisé que des restrictions pouvaient restreindre la libre circulation des biens, si l'objectif était la protection de la santé publique, détaille Me Hattab-Abrahams. Mais pour être conforme à la loi, ces restrictions doivent être... Le moins restrictives possible (en tout cas ne pas être disproportionnées)! Dans le cas précis de l'Allemagne avec les sites hollandais, la vente aux Allemands de médicaments disponibles uniquement sur prescription a donc été interdite, tandis que la vente de médicaments sans prescription est demeurée légale."

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