Cauchemar : quelles significations ?

Que révèle le cauchemar sur notre état émotionnel ? Les cauchemars des hommes et des femmes diffèrent-ils ? Pourquoi certains n'en font jamais et d'autres souvent ? Décryptage avec le Docteur Antonio Zadra, Directeur du laboratoire de recherche sur les rêves et les cauchemars de l'Université de Montréal.

Cauchemar : quelles significations ?
© Katarzyna Biazasiewicz - 123 RF

Rêves, cauchemars : a priori tout semble les opposer. Pourtant, scientifiquement, il n'y a guère de différence entre les deux. En effet, chacun correspond à un moment de semi-éveil, pendant lequel le cerveau crée en quelque sorte des illusions et des histoires. La seule chose qui change, c'est le contenu des scénarios. De même qu'il existe des films romantiques et des films dramatiques, la thématique du rêve peut être agréable, comme elle peut être angoissante. Au point de réveiller le dormeur. Et c'est là, que le rêve devient cauchemar

Qu'est-ce qu'un cauchemar ?

"Par définition, le cauchemar est un rêve désagréable et éprouvant où le sentiment prédominant est la peur. Les émotions peuvent ainsi devenir si intenses qu'elles amènent le dormeur à se réveiller. Et c'est d'ailleurs comme cela que l'on parvient à sortir du cauchemar", décrit le Docteur Antonio Zadra, Directeur du laboratoire de recherche sur les rêves et les cauchemars de l'Université de Montréal.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les cauchemars ne sont pas forcément synonymes d'angoisse.

Pour résumer, ce qui différencie le rêve du cauchemar, c'est l'émotion ressentie au réveil. Sauf qu'en fait, c'est plus compliqué que ça. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser, les cauchemars ne sont pas forcément synonymes d'angoisse. "Ils ne sont pas toujours mal vécus par ceux qui les vivent ", affirme ainsi Antonio Zadra. Le spécialiste dont le travail consiste en partie à analyser le contenu de nos songes remarque que pour certaines personnes, les cauchemars font en quelque sorte partie de leur quotidien et qu'ils parviennent à les positiver. " Ils vivent des émotions fortes pendant leurs cauchemars, mais celles-ci ne les mettent pas en situation de détresse. Le cauchemar peut même devenir une partie de leur réalité, de sorte qu'ils arrivent à en tirer un bénéfice personnel : c'est étonnant, mais leur cauchemar leur fait du bien !" Le spécialiste cite en exemple les artistes, particulièrement sujets aux cauchemars, mais qui s'en nourrissent, comme source d'inspiration.

Quelle fréquence "normale" ?

Vous vous souvenez, lorsque enfant, vous vous réveilliez en pleine nuit, terrorisé par un monstre, une sorcière ou autre créature horrible ? Les cauchemars, et dans une moindre mesure les terreurs nocturnes, sont en effet habituels pendant l'enfance. A partir de l'adolescence, ils deviennent plus rares. Alors de quoi rêve-t-on une fois adulte ? Selon le Docteur Zadra, les rêves agréables demeurent finalement assez rares. La plupart des adultes font ainsi des rêves qu'il qualifie de "neutres" ou de peu agréables. Sans pour autant révéler du cauchemar, ces derniers peuvent ainsi être bizarres, angoissants ou encore déroutants. Et plus ils sont étranges, plus leur souvenir persiste une fois éveillé. "Naturellement, on a tendance à raconter à notre entourage les rêves qui sortent de l'ordinaire et qui suscitent chez nous des émotions fortes. Si je rêve que je prends ma voiture pour aller travailler et qu'il y a de la circulation, ça n'a aucun intérêt et donc je vais l'oublier aussitôt éveillé."  

Quelle signification ? 

En étudiant le contenu des rêves, le chercheur a remarqué que certains types de cauchemars reviennent souvent, par exemple ceux où le dormeur est poursuivi. "Il est possible que les cauchemars servent à simuler des menaces afin de nous aider à nous y préparer", analyse-t-il. Autre explication avancée : ces mauvais rêves nous aideraient aussi à mieux assimiler nos émotions. L'exemple le plus flagrant est celui des personnes qui se mettent à cauchemarder après avoir vécu un événement traumatisant (catastrophe, guerre, viol, infidélité, etc.). Plus généralement, les personnes anxieuses et dépressives sont plus sujettes que les autres aux rêves désagréables et aux cauchemars récurrents. "A l'inverse, lorsque ces rêves récurrents cessent, cela coïncide avec un mieux-être pour le dormeur, détaille le Dr Zadra. Par ailleurs, on a remarqué que lorsqu'on étudie le sommeil de personnes en laboratoires, elles ne font quasiment jamais de cauchemars. Y compris, les personnes qui font beaucoup de cauchemars dans leur contexte habituel. Cela montre bien que le contexte, sécurisant ou pas, joue sur l'apparition des cauchemars."

Les femmes sont plus sujettes aux rêves désagréables.

Hommes/Femmes : cauchemardent-ils autant ?

Il semble que les femmes soient plus sujettes aux rêves désagréables, observe le spécialiste.

  • D'abord, les femmes sont plus touchées que les hommes par l'anxiété et la dépression, ce qui explique qu'elles font davantage de cauchemars.
  • Autre explication, "les femmes se souviennent plus souvent de leurs rêves que les hommes."
  • Mais surtout, "les hommes auraient tendance à davantage mentir quant au contenu de leurs rêves !". Autrement dit, ces messieurs auraient plus de difficultés à avouer avoir ressenti de la peur ou s'être retrouvés en situation de faiblesse…
  • Plus étonnant, les hommes ne cauchemarderaient pas pour les mêmes raisons que les femmes. "Les hommes rêvent davantage de catastrophes naturelles, type tsunami ou inondations, alors que les cauchemars des femmes sont souvent liés à des disputes, à des sentiments de frustration, ou encore à des injustices entre collègues de travail." Derrière ces différences, il y a sans doute là encore des histoires de représentations, explique le spécialiste. Les hommes vont davantage voir des films d'actions donc il n'est pas étonnant qu'ils fassent plus de rêves type catastrophe. Les femmes, quant à elles, sont plus sensibles aux conflits interpersonnels dans la vie réelle, donc il n'est pas surprenant que cela les poursuive jusque dans leurs songes…

Agir sur les cauchemars ?

Lorsque les cauchemars sont récurrents et qu'ils envahissent trop le quotidien, on pense notamment aux états de stress post traumatiques, il faut consulter un spécialiste. "Le cauchemar, lorsqu'il devient un symptôme, peut persister", précise Antonio Zadra. Mais on peut agir dessus, par des thérapies comportementales et/ou médicamenteuses. Quant aux cauchemars moins fréquents mais néanmoins récurrents ou perturbants, le chercheur conseille de prendre un moment dans la journée, si possible rapidement après le réveil, pour les coucher sur le papier...

Source : Conférence de presse sur le thème "Rêves et Mémoire", organisée par l'Observatoire B2V des Mémoires, 24 mars 2016.