Alain Claeys : "notre projet de loi sur la fin de vie répond aux attentes de nos concitoyens"

Fin janvier, les députés débattaient de la proposition de loi sur les droits des personnes en fin de vie. Le texte prévoit de mieux prendre en compte les souhaits des patients en fin de vie, en instaurant de nouveaux droits dont le recours à "une sédation profonde et continue". Entretien avec le député PS Alain Claeys.

Alain Claeys : "notre projet de loi sur la fin de vie répond aux attentes de nos concitoyens"
© ORBAN/POOL/SIPA

Avec cette proposition de loi, sur laquelle François Hollande et Manuel Vals se sont prononcés favorablement, les députés Alain Claeys (PS) Jean Léonetti (UMP) ont souhaité avant tout répondre à la double demande des concitoyens, à savoir : être mieux entendus et avoir une fin de vie apaisée pour eux-mêmes et pour leurs proches. Alain Claeys nous précise le contenu du texte, débattu à l'Assemblée nationale fin janvier, avant un vote prévu en mars prochain.

C’est pour que les patients soient "mieux entendus" que vous proposez la mise en place des directives anticipées ?

Oui, désormais elles s’imposeront aux médecins. Nous avons par ailleurs prévu un cadre à ces directives anticipées. Tout d’abord, elles pourront être rédigées et modifiées à tout moment. Notamment, si une personne apprend qu’elle souffre d’une grave maladie, alors elle aura évidemment la possibilité de revenir, si elle le souhaite, sur ses directives anticipées. Ensuite, nous avons bien conscience qu’il est difficile de se projeter sur sa fin de vie. C’est pourquoi, nous proposons que les modalités de rédaction des directives anticipées soient soumises à l’avis de la Haute autorité de santé. Enfin, nous souhaitons mettre en place un système d’alerte sur la carte vitale afin de savoir si telle ou telle personne a rédigé ses directives anticipées.

Comment cela se passera-t-il si la personne n’a pas rédigé ses directives anticipées ?

Une personne de confiance peut être désignée. Par ailleurs, nous précisons dans notre texte, le rôle de la famille : elle n’est pas là pour donner son avis à la place du patient, mais pour transmettre ce que celui-ci aurait dit s'il s'était déjà exprimé sur sa fin de vie. 

L’autre point important de votre projet de loi, c’est la possibilité de recourir à une sédation profonde et continue. Dans quels cas s’appliquera-elle ?

Nous proposons en effet une sédation profonde continue jusqu’au décès, d'abord pour les personnes en phase terminale dont le pronostic vital est engagé, qui souffrent physiquement et/ou psychiquement et qui souhaitent partir de façon apaisée. Elle pourra aussi répondre à la demande de personnes qui demandent l’arrêt des traitements, tel que le permet la loi Kouchner. Enfin, il y a le cas des personnes en état végétatif, qui ne sont donc pas conscientes, mais qui ont rédigé des directives anticipées ou désigné une personne de confiance.

La loi de 2005 autorise déjà la sédation pour endormir un patient et soulager ses souffrances, au risque de précipiter sa mort...

Notre projet de loi va plus loin et propose une sédation profonde et continue. Ce droit ne faisait l’objet d’aucun article dans la loi de 2005. Il s’agit donc de fixer de nouveaux droits pour les patients, qui doivent conduire à de nouveaux actes médicaux. Nous souhaitons ainsi répondre à un grand nombre de demandes de nos concitoyens.

Comprenez-vous certaines critiques, émanant notamment de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et selon lesquelles ce texte ne va pas assez loin, en éludant la question de l’euthanasie, mais aussi qui ne répond pas à la promesse de campagne de François Hollande ?

J’entends les critiques, à la fois de la part de ceux qui nous disent que l’on ne va pas assez loin, et à la fois de la part de ceux qui disent que l’on va trop loin, au contraire. Encore une fois, nous estimons répondre aux demandes de nos concitoyens. Concernant l'engagement 21 de François Hollande, notre texte en est une réponse précise. Le débat existe et c’est normal. Le débat doit avoir lieu, du moment qu’il n’est pas polémique.

Le 29 janvier dernier, était examinée une autre proposition de loi,portée par la député écologiste Véronique Massonneau, favorable à la légalisation de leuthanasie et du suicide assisté. Qu'est-il ressorti de ces débats ? 

Je respecte la position des écologistes même si ce n’est pas la nôtre. J’ai beaucoup réfléchi au sujet du suicide assisté avec Robert Badinter. Je pense que ce n’est pas la bonne réponse aujourd’hui. Sur un tel sujet de société, essayons de répondre à nos concitoyens.

Le projet de loi préconise aussi le développement des soins palliatifs. Quelle est la situation actuellement en France ?

Il existe de grandes disparités en France vis-à-vis de l’accès aux soins palliatifs. L’accès à domicile n’existe pas, il est difficile en maison de retraite et tous les hôpitaux n’en sont pas dotés. Tout cela pour dire, qu’il y a une vraie inégalité devant la mort en France et qu'il est important de lutter contre. Par ailleurs, les formations du milieu médical demeurent insuffisantes, c’est pourquoi nous proposons des modules de formation pour les étudiants en médecine.