L'espoir des thérapies ciblées contre le cancer

Soigner les tumeurs selon leurs spécificités génétiques plutôt que selon leur localisation, c’est tout l’intérêt des thérapies ciblées. Et dans ce domaine, plusieurs pistes prometteuses se dessinent.

L'espoir des thérapies ciblées contre le cancer
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Le cancer reste la maladie qui terrorise le plus les Français : selon un sondage Ipsos / Fondation ARC, 57 % des Français interrogés en janvier 2015, la placent en tête de leurs craintes devant la maladie d'Alzheimer (19 %), le sida (8 %) et les maladies cardiovasculaires (8 %). Et malgré les progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années, les Français demeurent fatalistes et estiment encore en grande majorité qu’on ne guérit pas du cancer. Une majorité (55 %) pense qu'on ne guérit qu'un cancer sur trois alors que dans la réalité on guérit aujourd'hui "plus d'un cancer sur deux", souligne la fondation pour la recherche sur le cancer (ARC). En outre, les Français sont encore très partagés sur la rapidité des progrès dans la recherche contre cette maladie.

Pourtant, la recherche avance, en particulier dans le domaine de la médecine prédictive, cette médecine qui repose sur les informations biologiques de la tumeur, pour prévenir, diagnostiquer et traiter. Il s’agit donc d’établir une carte génétique de la tumeur, une carte d’identité en quelque sorte, afin de proposer au patient un traitement parfaitement adapté… et efficace. Ces traitements, ce sont les thérapies ciblées, des médicaments innovants qui visent à éliminer les tumeurs, non plus en fonction de l’organe touché, mais en fonction d’anomalies génétiques retrouvées dans différents types de tumeurs.

Objectif : faire bénéficier des thérapies ciblées à un plus grand nombre de patients. Dernièrement, plusieurs programmes de recherche ont permis de réaliser de grandes avancées dans le domaine des thérapies ciblées. Tout d’abord, le programme AcSé mis en place par l’Inca il y a un et demi a montré de premiers résultats encourageants. "Il propose à des malades, adultes et enfants, atteints d’un cancer et en échec thérapeutique, un accès précoce à des médicaments innovants ciblant des mutations génétiques décelées dans leur tumeur, indépendamment de l'organe concerné", décrit l’Inca. Avec pour objectif de déterminer si les traitements ciblés utilisés aujourd'hui pour un certain type de cancer peuvent avoir une efficacité sur d'autres tumeurs. En effet, si tel médicament cible une mutation génétique présente pour un cancer donné, on peut imaginer qu’il pourrait aussi être efficace sur d’autres types de cancers, avec le même type de mutation. Avec ce programme, les patients peuvent donc bénéficier de médicaments innovants mais jusqu’alors indiqués pour un certain type de cancer. C’est ainsi qu’était lancé en 2013, dans le cadre de ce programme, un premier essai clinique portant sur le crizotinib, un médicament ciblant une mutation du gène ALK, retrouvée dans 2 % des cancers du poumon. L’idée de l’essai clinique était donc de voir si le médicament en question pouvait être efficace sur d’autres types de cancers, présentant le même type d’altération génétique, à savoir certains cancers colorectaux, du sein, du rein, de la thyroïde, etc. 

Le médicament a donc été proposé, depuis 18 mois, à des patients, adultes et enfants, atteints par ces pathologies et chez lesquels les anomalies génétiques ciblées par le crizotinib ont été identifiées. "Un an et demi après, l’essai a démontré la pertinence et la faisabilité du programme, avec à ce jour plus de 150 centres recruteurs ouverts dans toute la France, 100 patients ayant reçu le crizotinib dans le cadre de l’essai et en moyenne 300 tumeurs de patients testées par mois dans les plateformes de génétique moléculaire financées par l'Inca."

Repérer les patients avec une simple prise de sang. Autre avancée dans le domaine des thérapies ciblées, mais cette fois-ci dans l’identification des patients porteurs de l’anomalie génétique visée par ces médicaments et donc susceptibles d’en bénéficier. Jusqu’à présent, la recherche de ces anomalies moléculaires s’effectuait à partir de l’analyse d’un prélèvement de la tumeur (biopsie), un acte invasif pour le patient, parfois douloureux et pouvant nécessiter une hospitalisation. Mais des médecins de l’Institut Curie viennent de démontrer la fiabilité d’une technique peu invasive et moins douloureuse pour les patients. "Une alternative serait de rechercher les anomalies moléculaires éligibles pour une thérapie ciblée dans l’ADN tumoral circulant obtenu à partir d’un simple prélèvement sanguin", se réjouit le Pr Jean-Yves Pierga, chef du département d’Oncologie médicale à l’Institut Curie et spécialiste des biomarqueurs circulants. En clair, on pourrait imaginer, demain, de remplacer la biopsie par une simple analyse sanguine pour déterminer si tel ou tel patient peut bénéficier de ces médicaments innovants. Les résultats d’un essai clinique réalisé à l’Institut Curie sont particulièrement intéressants puisqu’ils démontrent la fiabilité de cette technique. "Dans le cadre de l’essai SHIVA, nous avons donc recherché chez 34 patients atteints de cancers différents (soit au total 18 types de cancer) les anomalies moléculaires dans les biopsies, mais aussi dans l’ADN tumoral circulant", commente le Dr Christophe Le Tourneau, responsable du pôle Médecine de précision à l’Institut Curie et qui a coordonné cet essai clinique innovant. Pour 27 patients, 28 des 29 anomalies moléculaires détectées dans les biopsies l’ont été dans l’ADN tumoral circulant. Par ailleurs, une anomalie non détectée dans les biopsies a été identifiée dans l’ADN tumoral circulant. Chez les 7 autres patients, la recherche des anomalies n’avait pas pu être effectuée dans les biopsies. En revanche, elle a été possible dans l’ADN tumoral circulant. "Cette étude est la première à montrer la faisabilité de la recherche de plusieurs anomalies moléculaires éligibles pour une thérapie ciblée dans l’ADN tumoral circulant par des techniques utilisées en routine chez des patients métastatiques et atteints de différents types de cancer", commente le Pr Jean-Yves Pierga.