"On a le sentiment d'être clandestine" témoigne Marine qui a congelé ses ovocytes

Autorisée dans plusieurs pays européens, la vitrification ovocytaire reste limitée en France. Rencontre avec Marine, 38 ans, qui a choisi de partir en Espagne pour congeler ses ovocytes.

"On a le sentiment d'être clandestine" témoigne Marine qui a congelé ses ovocytes
© Katarzyna Białasiewicz - 123RF

Depuis plusieurs années, la congélation d'ovocytes suscite un vif débat en France. Et pour cause, contrairement à ses voisins européens (Espagne, Belgique, Italie…), l'Hexagone n'autorise pas les femmes à conserver leurs gamètes. Seules celles qui doivent subir une chimiothérapie et les donneuses d'ovocytes sont autorisées à les conserver. Ces conditions conduisent certaines femmes à se rendre à l'étranger pour congeler leurs gamètes. C'est par exemple le cas de Marine, 38 ans, qui s'est rendue en octobre 2016 en Espagne pour procéder à une vitrification ovocytaire.

Pourquoi êtes-vous partie à l'étranger pour congeler vos ovocytes ?

Marine*. J'en ai entendu parler par une amie qui a fait des fécondations in vitro (FIV) en Espagne. Je n'ai pas de projet d'enfant, mais ayant 38 ans et étant célibataire, j'ai choisi de faire cette démarche. Je ne souhaite pas avoir des enfants seule, je veux une famille. J'ai aussi envie d'avoir le temps et le choix de faire par exemple un enfant à 40 ans.

Comment cela s'est déroulé ?

J'ai tout d'abord réalisé plusieurs examens en France pour mesurer notamment mon niveau de fertilité. Après un premier rendez-vous en Espagne afin de rencontrer le médecin, j'ai commencé le traitement, qui est le même que celui pour une FIV. Des médicaments m'ont été injectés tous les jours pour stimuler mes follicules ovariens. Tous les deux jours, j'ai fait une échographie et une prise de sang. J'étais alors suivie par un gynécologue français spécialisé dans la fertilité. Après 15 jours de stimulation ovarienne par injection, je me suis rendue en Espagne pendant trois jours. J'y ai passé une dernière échographie et eu une piqûre de déclenchement 48 h avant le prélèvement.

Qu'en a pensé votre gynécologue ?

Si elle ne me l'aurait pas conseillé il y a deux ans car les techniques étaient moins stables, elle m'a assuré que j'avais raison de le faire aujourd'hui.

…et vos proches ?

J'en ai parlé à mes proches, seul mon père n'est pas au courant. J'ai ainsi informé ma mère et mes amies, qui ont très bien réagi. Elles approuvent ma démarche, mais je suis dans un milieu où il n'y a pas de tabou...

La France limite la vitrification ovocytaire. Qu'en pensez-vous ?

C'est une aberration ! Je trouve cela complètement dingue et scandaleux. C'est autorisé en Espagne, en Belgique… Pourquoi pas chez nous ? La France est énormément en retard sur ce sujet. C'est ultra-rétrograde. On peut conserver des ovocytes pour nous uniquement si l'on en donne, c'est surréaliste. Les lois sont sans doute faites par des hommes. Il faut que ça change, qu'ils pensent un peu à nous ! Il faut savoir qu'en faisant la démarche de congeler ses ovocytes à l'étranger, on a le sentiment d'être clandestine. C'est particulier d'être dans cette situation. En plus, cela coûte beaucoup d'argent.

Quand pensez-vous utiliser vos ovocytes ?

Je n'en ai aucune idée. Pour l'instant, je ne veux pas les utiliser seule, mais je changerai peut-être d'avis à 45 ans…

*Le prénom a été modifié.