"Demander une péridurale n’est pas un échec"

Même si de nombreuses femmes souhaitent accoucher sans péridurale, la moitié d'entre elles change finalement d’avis, selon une récente enquête de l’Inserm. Réactions d’Anne-Isabelle Boulogne, sage-femme à l'hôpital Necker à Paris.

"Demander une péridurale n’est pas un échec"
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En France, parmi les 26% de femmes qui ont assuré ne pas vouloir de péridurale pendant leur grossesse, 52% en ont finalement reçu une. C’est ce qu’a récemment révélé l’enquête nationale périnatale 2010 de l’Inserm. Ce sont ainsi 77% des futures mamans qui ont eu recours à cette anesthésie locale en 2010. Les scientifiques ont également observé que les futures mamans qui refusent la péridurale avant l’accouchement sont "souvent les plus jeunes (moins de 25 ans), celles qui ont déjà eu des enfants, celles qui ont un faible niveau d’études, ou encore celles de nationalité étrangère". Cependant, ni l’âge, ni le niveau d’études, ni la nationalité n’interviennent dans le choix final d’avoir recours à la péridurale lors de l’accouchement. L’enquête révèle en effet que ce serait en fait plus fréquent "chez les femmes qui accouchent pour la première fois, en cas de surcharge de travail des sages-femmes et de présence permanente d’un anesthésiste dans la maternité, ou encore chez les femmes qui ont reçu de l’ocytocine [l’hormone qui déclenche l’accouchement, ndlr] en cours de travail".

Un manque de temps indéniable

"De nombreuses femmes reviennent sur leur décision mais je ne sais pas s’il y a une pression du personnel soignant. J'ai remarqué que les femmes qui changent d’avis au dernier moment le font par elles-mêmes, et non parce que les médecins leur proposent d’accoucher sous péridurale. Il est toutefois certain que les professionnels de santé manquent de temps à consacrer aux patientes. Par exemple, en Angleterre, il y a généralement une sage-femme disponible pour une patiente. C’est rarement le cas en France", assure Anne-Isabelle Boulogne, sage-femme coordinatrice exerçant à l'hôpital Necker à Paris. Les auteurs de l’enquête de l’Inserm notent eux aussi que "le nombre de sages-femmes est limité en salle de travail et [que] la pose d’une péridurale peut-être un moyen de faire face à la surcharge de travail au moment de certaines gardes". Une réflexion que partage la sage-femme : "une patiente qui veut un accouchement naturel implique la présence continue d'une sage-femme et c’est normal."

Les cours de préparation à la naissance trop méconnus

Toutes les femmes enceintes doivent consulter au septième mois de grossesse l’anesthésiste, et cela qu’elles veuillent ou non une analgésie péridurale. Le médecin spécialiste leur donne alors tous les détails quant au déroulement de la pose de la péridurale, à ses avantages et à ses contre-indications. Anne-Isabelle Boulogne précise qu’une "bonne péridurale permet d’avoir les sensations des contractions sans la douleur. Cette technique est aujourd’hui bien maîtrisée. Les futures mamans savent exactement comment cela se passe". Pourquoi y a-t-il alors autant de futures mamans qui changent d’avis ? Pour la sage-femme, cela est "très certainement dû au fait que les futures mamans ne font pas de préparation à la naissance et donc à la douleur. Pourtant, c’est important de se préparer à un accouchement car c’est toujours différent. Il semblerait que les femmes enceintes manquent d’informations à ce sujet car il n’y a pas assez de patientes qui sont préparées le jour J. C’est pourtant nécessaire."

Il faut savoir que les cours de préparation à la naissance sont réalisés également par des sages-femmes libérales. L'objectif étant d'expliquer le déroulement de la grossesse et de l’accouchement mais aussi le souffle, la respiration et les positions qui peuvent être adoptées lors de l’accouchement. Le retour de couche et le fait de devenir parent font également partie des thèmes abordés. "C'est aussi un moment d'échanges", ajoute la sage-femme. Les futures mamans doivent être également informées que des techniques d’analgésie, autres que la péridurale, existent. "Cependant, j’insiste sur le fait que demander une péridurale n’est pas un échec. Un accouchement est évidemment douloureux et les femmes ne savent pas comment elles vont réagir face à la douleur. C'est là que les cours de préparation à l'accouchement prennent tout leur sens."