Coeur artificiel Carmat : "il faut laisser du temps au temps"

Après l'annonce du décès du deuxième patient implanté avec un cœur artificiel, faut-il remettre en cause cette expérimentation ? Quelles seront les prochaines étapes ? Les réponses du docteur Olivier Hoffman, cardiologue.

Coeur artificiel Carmat : "il faut laisser du temps au temps"
© Carmat

C'est par le biais d'un communiqué de presse que la société Carmat, qui commercialise les prothèses cardiaques artificielles a annoncé le décès du deuxième patient greffé. On y apprend que l'homme a été hospitalisé à Nantes vendredi 1er mai, à la suite d'une "insuffisance circulatoire". L'équipe médicale a alors décidé d'implanter chez le patient "une nouvelle prothèse Carmat", mais "malgré les efforts réalisés, des complications poly-viscérales post opératoires se sont installées, et le patient est décédé samedi 2 mai en fin d'après-midi". Mardi soir, un second communiqué précisait que les premières analyses de la prothèse montraient que "son fonctionnement s'est dégradé du fait d'un défaut de pilotage des moteurs conduisant à une diminution du volume de sang éjecté dans l'organisme."

Le Dr Olivier Hoffman est cardiologue et Président du Collège National des Cardiologues Français. Selon lui, la greffe de coeur artificielle n'est pas remise en question et, à ce stade, il est encore trop tôt pour faire des conclusions. 

Que sait-on du décès de ce deuxième patient greffé ?

Le patient a souffert d'une insuffisance circulatoire, cela signifie que son coeur s'est arrêté brutalement. En d'autres termes, le coeur ne pouvait plus assurer sa fonction de pompe, c'est à dire éjecter du sang pour alimenter les organes.

Pourquoi avoir tenté de lui implanter une nouvelle prothèse, étant donné la lourdeur de cette intervention ?

Sans doute pour donner une chance au patient, même si le contexte était très périlleux.

Aujourd'hui, est-ce que ce décès remet en cause la suite de l'expérimentation ?

La réponse est non. L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a donné son feu vert pour mener cet essai sur quatre patients et évaluer leur survie à 30 jours. Donc il continue. Le troisième patient a été greffé il y a trois semaines. Il reste un quatrième patient à greffer, sans doute bientôt. Peut-être même qu'il a déjà été greffé, on ne sait pas.

Que se passera-t-il ensuite ?

Une fois cette première phase de faisabilité passée, la Haute autorité de santé fera le point et se prononcera sur la suite de l'expérimentation. Si elle donne son feu vert, une deuxième phase débutera afin d'évaluer l'efficacité de la prothèse en termes de qualité de vie et de confort chez une vingtaine de nouveaux patients.

Actuellement, quelles sont les alternatives pour les patients insuffisants cardiaques aigus ?

En réalité, il n'y en a pas. La seule option, pour ces patients, c'est la greffe. Cela marche bien certes, mais il faudrait 900 greffons par an. Le problème, c'est que les besoins ont été multipliés par deux ces dix dernières années, alors que les greffons disponibles diminuent en raison de la diminution des accidents de la route (et c'est tant mieux) .

Est-ce que d'autres essais de greffe de prothèse artificielle sont menés ailleurs dans le monde ?

A ma connaissance, non, pas sur des coeurs artificiels complets. Il existe néanmoins déjà des assistances ventriculaires gauches, qui consistent à implanter au malade une turbine dans le ventricule gauche. Mais cela nécessite que le ventricule droit fonctionne normalement, donc c'est une alternative limitée.

Que pensez-vous de l'attitude de Carmat qui a tendance à vérouiller sa communication ?

Il y a une volonté de black-out dans la politique de communication de Carmat. Ils communiquent peu, ou quand ils le souhaitent.

Et à l'inverse, est-ce qu'on ne donne pas trop d'espoir en médiatisant les progrès des patients greffés ?

Oui, on suscite beaucoup d'espoir en montrant les signes de guérison, c'est vrai. Il faut laisser le temps au temps et rester pragmatique. Ce n'est que le début d'une aventure, que mène le Pr Carpentier depuis 30 ans. Et ce n'est pas fini : il faudra encore plusieurs années avant de pouvoir espérer que cela devienne une opération courante. Attendons la suite.