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Interview

"On ne doit pas avoir peur de faire des gestes"

Qu'est-ce que la synergologie ? Philippe Turchet C'est une méthode de lecture du langage non verbal inconscient. Il s'agit des micro-mouvements du corps qui sont une traduction de ce que l'on ressent, de ce que l'on est.

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EN SAVOIR PLUS

Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à la gestuelle ?
Il y a une vingtaine d'années, il fallait que je trouve un sujet de thèse de doctorat en sciences humaines. J' ai eu envie de travailler sur la rationalité du comportement. Je suis tombé par hasard sur les écrits de l'école de Palo Alto. Des psychiatres et ethno-psychiatres avaient repéré que quand une mère dit une chose mais qu' elle en signifie une autre par sa gestuelle, cela perturbe l'enfant, sans qu'il en ait forcément conscience. Par exemple, un enfant reçoit deux messages si une mère lui dit : "Viens mon chéri" mais qu'elle ferme les bras parce qu'elle est fatiguée. C' est différent pour les adultes qui sont capables de décoder les deux messages.

 

Vous proposez des formations en France et en Amérique du Nord. En quoi consistent-elles ?
Je rencontre des gens sur deux ans et demi, douze fois et pendant deux jours. Ces gens-là ont en général des professions médicales. Pendant ces 24 jours, je leur apprends à décoder le langage non verbal à travers une méthode qui permet de décrypter n'importe quel type de geste car, selon moi, 95 % d'entre eux sont universels.

 

Quelles sont les limites de cette approche ? Est-elle vraiment fiable dans tous les cas de figure ?
Tout ce que propose la synergologie a été validé, notamment par l'observation. Au début de mon travail, j'ai fait passer à peu près 350 entretiens vidéo à des personnes à qui je demandais : qu' attendez-vous de la vie ? Elles parlaient une minute devant la caméra et je leur disais que si elles avaient mal formulé leurs réponses, on pouvait tout effacer et recommencer. Les personnes s'ouvraient, se détendaient. Je me suis aperçu que lorsqu'on est en situation de bien-être et qu'on se laisse aller, on montre par exemple davantage l'oeil gauche, on penche plus la tête à gauche, etc.
C'était il y a 20 ans. Depuis 10 ans, toutes ces observations ont pu être validées par l'IRM et le scanner. Par exemple, j'avais observé il y a très longtemps chez des gens dépressifs que l'oeil droit avait tendance à partir sur l'extérieur quand on est dans la lune. Et puis il y a trois ans, l'équipe américaine de Davidson a noté que lorsqu'on est dépressif, on a tendance à déconnecter les lobes frontaux. Les scientifiques commencent depuis quelques temps à s'intéresser de très près à cette méthode. Il y a notamment un cardiologue célèbre au Québec, Marcel Gilbert, qui a voulu être formé à la synergologie pour pouvoir l'enseigner en Université.

 

Depuis quand s'intéresse-t-on aux gestes et aux attitudes dans la vie professionnelle ?
A chaque fois que je me suis rendu dans des grandes entreprises, j'ai constaté qu'ils ne savent rien du langage du corps. Et s'ils savent quelque chose, c'est en général n'importe quoi. Je rappelle toujours aux personnes qui doivent passer un entretien, qu'en face, les employeurs ne connaissent rien à la gestuelle. L' important est d'être concentré. Si c'est le cas, le corps prend de toutes façons les bonnes attitudes.

 

Vous ne pensez pas qu'il y a des gestes à bannir pendant un entretien d'embauche ?
Absolument pas. Il ne faut pas penser à soi mais à l'autre, qui peut, par sa manière d'être, vous donner des clés. S' il se met en retrait par exemple, la main devant la bouche, cela voudra dire qu'il n'est pas bien avec vous. Mais il peut aussi avoir la main devant la bouche tout simplement parce qu'il vous écoute. Par contre s'il la maintient sur sa bouche pendant tout l'entretien, ce n'est en général pas très positif !
On sait trop peu de choses sur le langage non verbal pour penser qu'on va arriver à produire les bons gestes qui produiront dans l'inconscient de l'autre les bonnes attitudes ! Nous n'avons pas le corps d'un côté et l'esprit de l'autre. Mon travail est aussi de démystifier cela.

 

Par qui l'analyse gestuelle est-elle utilisée ?
Seulement par la police à mon avis. Les autres ne savent pas l'utiliser. Il faut sortir des banalités utilisées par certains dans le cadre du travail : ne pas mettre sa main sur la bouche, ne pas croiser les jambes, ce qui n'est d'ailleurs pas vrai du tout car il y a de très bons croisements de jambes. On ne doit pas avoir peur de faire des gestes. Les gestes séduisent. D'ailleurs une étude européenne faite il y a six ans demandait aux Européens quel était le peuple de l'Union le plus séduisant. Ils ont choisi les Italiens, qui parlent beaucoup par gestes.

 

Pourquoi justement la gestuelle est-elle davantage utilisée dans certains pays ?
Il y a deux raisons. L' une d'elle tient sans doute au rapport mère-enfant. Dans ces pays, les mères touchent davantage leurs enfants donc éduquent davantage leurs corps à la sensualité. Ils préparent leurs corps à être plus actifs. On voit bien cela dans le sud, et notamment dans les pays du sud de l'Europe. C' est une question presque psycho-génétique.
La deuxième raison est qu'un enfant, jusqu'à 30 mois, met en place des mimétismes moteurs qui font qu'il va copier ses parents. Un enfant qui a vu ses parents exister avec leurs corps de manière très locace va le reproduire.

 

Vous avez une formation d'acteur. Que vous a t-elle apportée dans ce que vous faites aujourd'hui ?
J'ai travaillé avec des metteurs en scène mais en tant que conseiller, en utilisant la synergologie. Je leur montrais à quoi faire attention dans la gestuelle et en quoi des petits détails du corps rendent crédibles ou pas les acteurs.

 

La gestuelle des femmes est-elle différente de celle des hommes ?
Il y a quelques petites différences. Elles ouvrent davantage les malléoles, la partie qui se trouve au-dessus du pied. Et les femmes ont plus tendance à ouvrir les poignets. Elles introduisent une souplesse de geste qui est aussi une souplesse d'esprit.

 

Est-ce que vous avez des exemples de personnes publiques trahies par leurs gestes ?
Bill Clinton qui, devant le Congrès, pendant le procès de l'affaire Monica Lewinsky, s'est gratté trois fois le nez... Et lorsqu'on ment, on a tendance à se gratter le nez...

 

Quels sont vos projets ?
Développer un test visuel pour mieux comprendre ce qui se passe au niveau de la communication non verbale et notamment savoir si certaines personnes ne peuvent tout simplement pas décrypter les émotions des autres.

 


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