Endométriose : définition, symptômes, diagnostic, traitements

Endométriose : définition, symptômes, diagnostic, traitements

L'endométriose est caractérisée par une présence de fragments d'endomètre anormale. Digestive, profonde... L'endométriose revêt plusieurs formes et toucherait au moins 1 femme sur 10 en âge de procréer en France. Quels symptômes ? Comment se soigner ? Qui consulter ? Quels risques d'infertilité ? Interviews de spécialistes et témoignages.

L'endométriose est une maladie inflammatoire et chronique de l'appareil génital féminin qui s'explique par le développement d'une muqueuse utérine (l'endomètre) en dehors de l'utérus, colonisant d'autres organes. En France, l'endométriose touche pourtant près de 10% des femmes en âge de procréer. Les symptômes varient selon les situations : il s'agit le plus souvent de douleurs durant les règles ou les rapports sexuels. Le diagnostic intervient souvent tardivement. Le 14 février 2022, le ministère de la Santé a annoncé un plan d'action pour lutter contre l'endométriose, regroupant les objectifs d'un meilleur diagnostic et d'une meilleure prise en charge des patientes. "Sous le pilotage du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et du ministère des Solidarités et de la Santé, l'INSERM va mettre en place un " Programme et Équipement Prioritaire de Recherche " doté de 25 à 30 millions d'euros sur 5 ans, qui regroupera l'ensemble des meilleurs chercheurs de toutes les disciplines pouvant intervenir dans le champ de l'endométriose" a indiqué Olivier Véran le 14 février. Parmi les mesures annoncées, "dans le monde du travail, améliorer les conditions d'exercice des femmes qui souffrent d'endométriose en aménageant horaire et/ou poste de travail" ou encore "Former et informer les médecins conseils de l'Assurance Maladie et les médecins traitants sur le dispositif ALD 31 (affection longue durée)" concernant l'endométriose.

Définition : c'est quoi l'endométriose ?

L'endométriose est caractérisée par une présence de fragments d'endomètre anormale. En temps normal, quand l'ovule n'est pas fécondé, les cellules de l'endomètre qui tapissent l'utérus sont éliminées pendant les règles et renouvelées par la suite. En cas d'endométriose, ces cellules ne sont pas évacuées correctement, se disséminent et prolifèrent dans des zones inhabituelles du corps. Les localisations les plus fréquentes de l'endométriose sont les ovaires avec le formation de kystes, les trompes, le péritoine, les zones situées entre la vessie, l'utérus et le vagin et celles situées entre le vagin et le rectum. Au moment des règles, les cellules vont se détacher et provoquer une réaction inflammatoire, responsable de fortes douleurs. Les femmes peuvent souffrir de symptômes variables selon la localisation des cellules : douleurs abdominales le plus souvent, mais aussi douleurs digestives.

schéma sur l'endométriose
Schéma de l'appareil génital de la femme atteint d'endométriose. 1 : Ovaire. 2 : Utérus. 3 : Vagin. 4 : Endomètre. 5 : Canal cervical. 6 : Ligament large. 7 : Trompes de Fallope. © designua - 123RF

Endométriose digestive

Lorsque l'endométriose touche les organes digestifs, tels que le rectum, on parle d'endométriose digestive. "Parmi les femmes qui souffrent d'endométriose, une sur cinq a une forme digestive", précise le Dr Eric Sauvanet, spécialiste de cette pathologie gynécologique au Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph..L'atteinte du tube digestif reste plus rare. A noter que l'atteinte digestive est majoritairement associée à une endométriose sévère. Cette forme d'endométriose toucherait 9% des femmes présentant une endométriose pelvienne profonde.

Endométriose pulmonaire

Lorsque l'endomètre impacte les poumons et la plèvre, on parle d'endométriose pulmonaire. Ce phénomène reste très rare. Également qualifiée d'endométriose thoracique, cette forme d'endométriose se manifeste majoritairement par un pneumothorax cataménial qui survient au cours des règles. Le blocage de l'action des œstrogènes sur l'endomètre constitue le principal traitement médical de l'endométriose.

Endométriose vésicale

Lorsque l'endomètre colonise la vessie au cours du cycle menstruel, on parle d'endométriose vésicale. Cette forme d'endométriose est relativement rare mais provoque néanmoins des lésions vésicales. Le traitement préconisé est souvent la cystectomie partielle. Pratiquée par cœlioscopie, l'intervention chirurgicale permet de supprimer les parties de la vessie trop impactées par l'endométriose. 

Endométriose profonde

Lorsque ces lésions touchent la paroi des organes pelviens en profondeur, l'endométriose est qualifiée de profonde. C'est d'ailleurs l'une des formes les plus graves de l'endométriose. L'endométriose est responsable d'infertilité. Un traitement chirurgical peut être envisagé si elle provoque des douleurs ou si la femme souhaite avoir des enfants.

Quels sont les symptômes de l'endométriose ?

L'origine de cette affection reste inexpliquée.

Elle se caractérise par la présence de segments d'endomètre (ou muqueuse utérine) qui viennent se greffer en dehors de l'utérus, sur des organes génitaux comme le corps de l'utérus ou les ovaires, mais également non génitaux comme le péritoine, membrane tapissant la paroi abdominale ou le rectum.

Parmi les signes cliniques de l'endométriose, il y a :

  • les douleurs abdominales basses et des saignements génitaux,
  • les douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunie),
  • les douleurs avant et pendant les règles qui peuvent être hémorragiques,
  • les troubles digestifs et urinaires (diarrhées, constipation, douleurs lors de la défécation, des rectorragies, des douleurs ou brûlures lors de la miction, des difficultés à vider la vessie ou encore une hématurie...),
  • des épisodes de fatigue chronique,
  • la survenue de nausées, de vomissements, de vertiges et parfois, de douleurs pulmonaire ou thoraciques survenant au cours des règles et situées droite ou d'une toux,
  • l'incapacité à tomber enceinte.
  • Dans le cas de l'endométriose légère, les fragments se fixent sur l'utérus, les ovaires, les trompes de Fallope.
  • Dans une forme plus sévère, des kystes (endométriomes) se forment dans la cavité utérine ou sur l'ovaire et des adhérences accolent les organes.

"La plupart des femmes sont incapables d'aller travailler."

Certaines femmes ne présentent aucune manifestation et l'endométriose est découverte fortuitement au cours d'un bilan d'infertilité ou lors d'une cœlioscopie effectuée pour une autre raison. Les douleurs pelviennes chroniqueS sont localisées au niveau du bas ventre et peuvent toucher également la jambe ou le bas du dos. La présence de douleurs pelviennes sévères et persistante depuis plusieurs semaines ou mois peut évoquer la présence d'une endométriose. "Ces douleurs se manifestent le plus souvent pendant toute la durée des règles, décrit le Dr Sauvanet. Dans les formes plus sévères, elles peuvent même s'étaler un peu avant et un peu après." Ce qui permet de différencier les douleurs de l'endométriose de douleurs menstruelles classiques ? D'abord, leur intensité est telle qu'aucun antalgique ne parvient à les calmer, mais surtout, elles empêchent les femmes de mener leurs activités. "La plupart sont incapables d'aller travailler", commente le spécialiste.

Endométriose : à quel âge ?

L'endométriose concerne les femmes en âge de procréer, généralement entre 25 et 50 ans, même si les adolescentes peuvent également être concernées par cette maladie. Elle touche surtout les femmes jeunes jusqu'à 35 ans. L'endomètre étant sous influence des hormones du cycle sexuel, l'endométriose sera également soumise à ces changements, ce qui explique une partie des symptômes. 

Stades

L'étendue des lésions chez chaque patient permet de définit un score de gravité de la maladie. Le stade peut être d'1 à 4.

Quelles sont les causes de l'endométriose ?

L'origine de cette affection reste inexpliquée. La maladie disparaît de façon spontanée après la ménopause. L'exposition in utero au distilbène représente un facteur de risque.  "Le distilbène n'est plus prescrit en France depuis 1977, les femmes actuellement âgées de moins de 42 ans n'ont donc jamais été soumises à ce produit", souligne le Dr Philippe Mironneau, gynécologue et obstétricien à Dijon. Des femmes peuvent présenter beaucoup plus rarement une endométriose après la ménopause. Une prédisposition familiale au premier degré peut représenter un facteur de risque. La présence de douleurs pelviennes chez une femme dont la mère présente une endométriose doit alerter. Les règles précoces, abondantes, douloureuses, ainsi que des cycles courts peuvent représenter des facteurs de risque. L'association hypofertilité endométriose est fréquente. Le tabagisme représente un autre facteur de risque de l'endométriose. Les antécédents gynécologiques tels que malformations obstructives congénitales, curetages utérins, électrocoagulation du col ou recours à un stérilet peuvent représenter un facteur de risque.

"Je préfère parler d'hypofertilité que d'infertilité"

Quelles sont les complications de l'endométriose ?

L'endométriose est une maladie de la douleur. Ces douleurs peuvent empêcher ou diminuer les relations sexuelles. D'autre part, le tissu utérin déplacé peut perturber la nidation de l'ovule fécondé ou former des empêcher la fécondation de se faire en raison de la présence d'un kyste. La présence d'adhérences peut empêcher la libération de l'ovule ou en entraver son passage vers l'utérus. Les atteintes urinaires peuvent entraîner la présence de sang dans les urines ou des épisodes de colique néphrétique pouvant représenter une urgence.  Les atteintes rectales ou intestinales peuvent provoquer des rectorragies, des épisodes de constipations rebelles. Des épisodes d'occlusion intestinale et de péritonite peuvent survenir dans de rares cas. Une rupture d'un kyste peut être à l'origine de violentes douleurs et nécessite un avis médical en urgence. 

Infertilité

Le risque d'infertilité est une des complications majeures de la maladie. En effet, l'endométriose peut perturber la fertilité de la femme atteinte car les tissus présents en excédent dans la maladie empêchent le bon fonctionnement des ovaires. Un pourcentage non négligeable de femmes éprouvant des difficultés à mener une grossesse est atteint d'une endométriose. "Je préfère parler d'hypofertilité que d'infertilité", commente le Dr Eric Sauvanet, spécialiste de cette pathologie gynécologique au Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. L'infertilité qui découle de l'endométriose n'est pas toujours définitive. En cas de désir de grossesse, on peut avoir recours à la chirurgie afin de retirer les foyers d'endométriose, tout en préservant les ovaires. Reste que ces interventions chirurgicales sont lourdes, donc pas systématiquement proposées aux patientes. "C'est du cas par cas, explique Eric Sauvanet. En fonction de leurs attentes, mais aussi de leur âge, on choisira ou pas la chirurgie. Il ne faut pas oublier non plus le conjoint. Si celui-ci présente également des risques d'infertilité, on ne prendra pas le risque d'opérer la patiente", décrit-il. Au final, 50 % des femmes opérées sont enceintes dans les 18 mois. Pour les autres, on n'est pas sans solution. Elles peuvent passer par une fécondation in vitro (FIV).

Comment faire le diagnostic d'endométriose ?

"Les signes spécifiques de l'endométriose sont très difficiles à observer avec une banale échographie, explique le Dr Sauvanet. Donc le plus souvent, les résultats sont faussement rassurants." Lorsqu'il s'agit d'une endométriose ovarienne, c'est relativement simple à diagnostiquer, mais lorsqu'il s'agit d'une forme adhérentielle ou digestive, c'est plus compliqué. "L'examen le plus pertinent pour établir un diagnostic est l'IRM, mais son accès est problématique en France en raison d'un faible équipement". Obtenir un rendez-vous peut donc devenir laborieux. Le diagnostic de l'endométriose repose sur un examen gynécologique approfondi ; une échographie dont le but est de déceler les endométriomes, parfois, une IRM (imagerie par résonance magnétique), une laparoscopie ou cœlioscopie qui consiste à examiner la cavité abdominale à l'aide d'un endoscope. La laparoscopie ou la cœlioscopie présentent deux avantages considérables : l'identification formelle de l'endométriose et la possibilité d'éliminer les foyers d'endométriose au cours de l'exploration. Le délai entre le début des manifestations de l'endométriose et son diagnostic est de plusieurs années.

Traitement : comment soigner l'endométriose ?

Le traitement de l'endométriose est indiqué chez les femmes sans enfant ou ayant des problèmes de fertilité, et en cas de douleurs importantes. L'abstention de traitement est préconisée chez les jeunes femmes (moins de 35 ans), chez qui l'endométriose est minime et sans effet sur les trompes ni les ovaires. Même si aucun traitement n'est prescrit, un suivi médical régulier reste nécessaire. Le traitement de l'endométriose a pour principal but de diminuer ce tissu indésirable. Compte tenu de l'influence hormonale, des médicaments ayant des effets contraires à la prolifération de ces tissus sont prescrits. La cœlioscopie ou laparoscopie qui fait le diagnostic a également comme intérêt de permettre une intervention en enlevant un éventuel endometriome ou les adhérences entre organes.

Prise en charge psychologique

Avant d'être diagnostiquée, c'est un peu le parcours du combattant. "Ces femmes vivent une réelle souffrance physique, avec des répercutions sur leur vie professionnelle et intime. Le plus souvent, elles se plaignent de ne pas être écoutées et entendues. Elles sont donc très fragiles psychologiquement", décrit le Dr Sauvanet. Dans certains centres très spécialisés (il en existe 5 en Ile-de-France), on propose une prise en charge psychologique, comme au sein du centre "endométriose" du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ). "Les patientes ont la possibilité de parler à des psychologues, de bénéficier de consultations en sophrologie ou encore de participer à des groupes de parole. L'important, c'est qu'elles ne se sentent pas isolées pendant une prise en charge strictement médicale."

Traitement hormonal

La base du traitement est donc hormonale et le premier d'entre eux, c'est la pilule, prescrite en continu. En bloquant les règles, elle évite ainsi les douleurs. "Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas dangereux du tout et cela n'a rien à voir avec une ménopause", rassure le Dr Sauvanet. Lorsque cela ne suffit pas, il convient d'entamer un traitement qui va induire une ménopause artificielle (injection d'agonistes de la GnRH), pour une durée limitée à "18-24 mois cependant", précise le médecin. Ce traitement a pour effet d'arrêter le cycle. Celui-ci reprend normalement dans les deux à trois mois suivant l'arrêt du traitement. Un traitement d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) peut également être prescrit dans le cadre d'une prise en charge des douleurs liées à l'endométriose.

Traitement chirurgical

Outre le traitement médicamenteux et selon les désirs de grossesse de la patiente, le recours à la chirurgie peut être envisagé afin de retirer le maximum de cellules d'endométriose. L'intervention chirurgicale se réalise parfois au laser. Il s'agit la plupart du temps de chirurgie conservatrice, surtout chez les femmes de moins de 40 ans ayant un désir d'enfant. "Je recommande aux patientes de s'adresser si possible à un centre spécialisé ou à des équipes bien formées qui ont l'habitude de faire ce genre d'interventions" indique le Dr Sauvanet. Au final, les résultats sont plutôt satisfaisants : "On arrive à soulager 60 à 80 % des femmes." Mais le spécialiste est clair : plus les formes d'endométriose sont sévères, plus le risque de récidive est élevé. Dans ces cas-là, un traitement hormonal est conseillé en prévention. L'idée étant d'éviter de ré-opérer ces femmes, car rappelons-le ces opérations sont lourdes. En outre, sur le plan de la fertilité, la multiplication des opérations risque d'abîmer les ovaires. Dans le cas les plus sévères, une hystérectomie (ablation de l'utérus) peut s'avérer nécessaire surtout en présence d'un adenomyose.

Témoignages

Merci aux Drs Eric Sauvanet, spécialiste de l'endométriose au Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph et Philippe Mironneau, gynécologue et obstétricien à Dijon.