Lait : bon ou mauvais pour la santé ? Marie-Claude Bertière, directrice santé du Cniel : "Les produits laitiers ne sont pas responsables d'un taux de fracture plus élevé"

Etant donné le côté polémique de ce dossier, nous avons choisi, dans ce chapitre, de laisser la parole à divers acteurs de la nutrition, qui exposent leurs points de vue. Le Dr Bertière est nutritionniste, elle dirige le département santé du Cniel.

Certaines études semblent montrer que moins on consomme de produits laitiers (c'est le cas en Afrique et en Asie, notamment), moins on est victime de fractures. Comment réagissez-vous par rapport à cela ?

Il faut en fait y regarder de plus près. D'abord, soulignons qu'il ne s'agit pas des mêmes populations sur le plan génétique, la comparaison est donc difficile. Mais surtout, lorsqu'on parle de taux de fractures, ce que l'on mesure, c'est la fracture du col du fémur. Un problème typique des personnes âgées. Or, l'Afrique et l'Asie ont, aujourd'hui encore, des espérances de vie moins élevées qu'en Europe ou en Amérique, par exemple. Il est donc logique qu'il y ait moins de fractures de ce type, puisque moins de personnes atteignent l'âge où elles sont le plus fréquentes. Par ailleurs, les fractures sont également beaucoup moins rapportées qu'en occident, tout simplement parce que le système de santé n'est pas toujours aussi bien organisé. Il y a donc tout lieu de penser qu'avec l'augmentation de l'espérance de vie et l'amélioration des structures de soins, on va voir le taux de fractures s'élever dans les années qui viennent. C'est d'ailleurs ce que prédisent les experts.

Vous parlez d'espérance de vie réduite, mais sur la fameuse île d'Okinawa au Japon, les gens vivent centenaires...

J'invoquerai également le facteur génétique, qui est d'ailleurs souvent plus prononcé dans les îles. On sait notamment qu'il y a un gène codeur des récepteurs de vitamine D qui est beaucoup plus présent chez les asiatiques. Ainsi, il se peut que les besoins en calcium soient moindres, puisque la vitamine D est mieux absorbée et fixe donc mieux le calcium.

Par ailleurs, des études ont montré que lorsqu'on leur donnait des produits laitiers, la masse osseuse des asiatiques augmentait elle aussi et à la ménopause, les femmes voyaient leur perte osseuse limitée.

Plusieurs scientifiques arguent que l'Homme est le seul mammifère à boire encore du lait et à manger des produits laitiers une fois qu'il est sevré. C'est vrai, non ?

Et alors ? Je ne vois pas où est le problème. Certes, il y a des millions d'années, les produits laitiers ne faisaient pas partie de notre alimentation. C'est le cas de très nombreux autres aliments, parmi lesquels la pomme de terre, par exemple, dont nous aurions pourtant du mal à nous passer aujourd'hui. Les habitudes alimentaires évoluent et ça n'est pas un problème. Si nous devions manger comme le faisaient les premiers hommes, nous en serions réduits à cuisiner des rats et des fourmis... Je ne suis pas sûre que cela plairait à beaucoup d'entre nous !

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