Mysimba : ce qu’il faut savoir sur le (polémique) médicament anti-obésité

Le Mysimba devrait arriver prochainement en pharmacie, en dépit d’un avis défavorable des autorités de santé françaises. Faut-il craindre les effets secondaires de ce coupe-faim ? Eléments de réponses avec Boris Hansel, endocrinologue, nutritionniste.

Mysimba : ce qu’il faut savoir sur le (polémique) médicament anti-obésité
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L'Agence européenne du médicament (EMA) a donné son feu vert à la commercialisation du Mysimba, un médicament anti-obésité, produit par le laboratoire californien Orexigen Therapeutics. La France, estimant que son rapport bénéfice/risque n'est pas favorable, avait pourtant mis son véto.

Le Mysimba, déjà commercialisé aux Etats-Unis sous le nom de Contrave, se compose d'une combinaison de deux molécules, la naltrexone, utilisée pour traiter la dépendance à l'alcool et aux opiacés et le bupropion prescrit pour arrêter de fumer (Zyban). Ces deux traitements sont prescrits sur de courtes durées et de façon très encadrée.

Pourquoi la France n’en veut pas ? Peut-être par précaution, dans un contexte d’après affaire Médiator, la France a choisi la prudence et estimé qu’une perte de poids de quelques kilos ne pouvait justifier d'exposer les patients obèses ou simplement en surpoids à des risques.

"Nous étions très défavorables à sa mise sur le marché", a estimé Joseph Emmerich (ANSM), à l’occasion d’une conférence de presse organisée le 2 avril dernier. Et cela pour plusieurs raisons. Côté bénéfice, son efficacité est limitée : "la perte de poids est inférieure à 5 % par rapport au placebo et il existe un risque de rebond." Côté risques, c’est "l’absence de données encore démontrées sur la sécurité cardiovasculaire" qui pose problème.

En effet, les résultats d’une étude de phase 3, qui évalue ces risques cardiovasculaires, sont attendus pour 2017 (essai LIGHT) mais ils sont d’ores et déjà biaisés selon l’ANSM. "Des résultats intermédiaires favorables sur un quart des patients ont été dévoilés en cours d’étude par la firme, sans doute pour défendre un brevet et peut-être faire monter ses actions..., a ainsi expliqué Joseph Emmerich. Cette rupture importante des données risque d'entacher l'essai, car si on révèle une partie des résultats à une partie des patients et des médecins, cela introduit un biais. Et au final, les résultats ne voudront rien dire…"

Par ailleurs, le fait que le médicament contienne du bupropion, dont les risques sont déjà connus puisqu’on l’utilise dans le cadre du sevrage tabagique, a un peu plus appuyé la position de la France. "Les doutes connus depuis plusieurs années, y compris aux Etats-Unis, quant à d’éventuels risques neuro-psychiatriques (convulsions, dépression, suicides) liés au bupropion ne sont pas totalement levés, a détaillé Joseph Emmerich. Enfin, ce médicament présente une tolérance limitée : environ 50 % des patients sortent des études en raison d’effets indésirables."

En outre, l’obésité est un problème de santé publique majeure en Europe, mais en France, nous nous en sortons plutôt bien : 13 à 15 % des Français sont obèses. C’est moins que dans la plupart des pays européens où l’obésité a doublé entre 2010 et 2012. "Ils ont une vision différente parce que l’obésité est un problème de santé publique plus important, la demande n’est donc pas la même."

Faut-il s’inquiéter de ses effets indésirables ? "Concernant le Mysimba, je n'ai pas de réponse tranchée", répond le docteur Boris Hansel, endocrinologue à l’hôpital Bichat. Selon le spécialiste, il ne s'agit pas d'un traitement qui guérit l'obésité et encore moins d'une molécule qui servirait à booster la motivation des patients pour perdre du poids. En revanche, le Mysimba peut être l’une des solutions à proposer à une personne obèse, dans le cadre d'un projet médical pouvant inclure d’autres types de prise en charge (programme nutritionnel, chirurgie, etc.). "Si on se situe du côté des patients obèses qui vivent une vraie souffrance au quotidien, alors je dirais qu’il faut multiplier les possibilités thérapeutiques, y compris médicamenteuses, et même si ce médicament comporte quelques risques. Car il faut bien comprendre, qu’il n’existe pas de médicament sans effets secondaires. La question, c’est donc de savoir quel est le rapport bénéfice/risque pour tel ou tel patient. A l’inverse, si on se situe du côté d'une personne qui éviterait à tout prix tout effet secondaire, alors prendre ce médicament n’est pas la meilleure stratégie effectivement." En outre, le médecin est très ferme : les conditions de prescriptions doivent être rigoureuses. "Selon moi, il ne faudrait jamais prescrire ce traitement à un patient qui n'aurait pas adhéré à un programme incluant des mesures nutritionnelles et d’activité physique."

Le Mysimba en pharmacie, c’est pour quand ? L’AMM étant confirmée au niveau européen, elle s’impose désormais à la France. "Reste maintenant à l’ANSM à encadrer sa prescription et sa délivrance, compte tenu de ses craintes, a expliqué Joseph Emmerich. Par ailleurs, il revient aux firmes de décider si le médicament est commercialisé et sur quels territoires. On attend donc de savoir s’il arrivera dans les pharmacies françaises."

Pour qui ? Selon l'Agence européenne du médicament, le Mysimba ne sera disponible que sur prescription pour une durée d’un an et sera réservé à des adultes obèses ou en surpoids dès lors qu'ils ont un ou plusieurs autres facteurs de risques comme de l'hypertension ou un taux élevé de cholestérol. En outre, les patients mis sous Mysimba par leurs médecins devront être revus au bout d'une période de 16 semaines et le traitement sera arrêté dans le cas où ils n'auraient pas perdu au moins 5% de leur poids initial. "En ce qui me concerne je ne prescrirais de toute façon pas ce traitement à un patient qui n'aurait pas un minimum adhéré à un programme incluant des mesures nutritionnelles et d’activité physique, sinon cela n’a pas d’intérêt, confirme Boris Hansel. Pourquoi pas, chez des patients obèses, pour qui on hésite à proposer une chirurgie." La question de son remboursement se posera également. "Si le médicament n’est pas remboursé, comme c'est le cas avec le Xenical, alors peu de patients y auront accès." 

Par qui ? En outre, si le Mysimba arrive en pharmacie, tout l'enjeu sera d'avoir des conditions précises de prescription afin d'éviter qu'il ne soit utilisé de manière détournée, comme ce fut le cas pour le Mediator. Selon le docteur Hansel, ces conditions sont "peuvent tout à fait être mise en oeuvre, mais pour éviter les problématiques de débordements, peut-être faudrait-il limiter sa prescription initiale aux médecins spécalistes".

Pourquoi les médicaments coupe-faim peinent-ils à s'imposer ? Bien que l'obésité présente un problème de santé publique majeur, l'histoire des médicaments anti-obésité est plus que chaotique. Après le retrait du marché de Alli en 2012 en raison de ses effets secondaires, le Xenical (Orlistat) des laboratoires Roche est actuellement la seule pilule contre l'obésité commercialisée et disponible sur ordonnance. Mais elle présente des problèmes de tolérance et d’efficacité. En 2012, l'agence européenne du médicament avait par ailleurs rejeté la demande d'autorisation d'un autre médicament anti-obésité, le Qsiva du laboratoire américain Vivus, à cause de ses effets cardiovasculaires à long terme. Et surtout, c'est le Mediator qui a fait couler le plus d'encre. Cet antidiabétique prescrit pour ses effets coupe-faim avait en effet été retiré du marché en 2009 en raison de graves effets cardiaques. 

Aujourd'hui, alors que le Mysimba arrive sur le marché, l’ANSM lui préfère une autre molécule coupe-faim déjà utilisée dans le traitement du diabète, la liraglutide (Saxenda), dont l’autorisation de mise sur le marché a été octroyée récemment également (janvier 2015). "Le médicament fera l’objet d’une surveillance, mais son efficacité est meilleure en terme de baisse de poids", assure Joseph Emmerich (ANSM).

Selon le docteur Hansel, la réponse des patients à ce traitement est néanmoins hétérogène : "Il fonctionne bien chez certains, mais pas du tout chez d'autres." En outre, "même s’il n’existe, pour le moment, pas les mêmes craintes vis-à-vis des effets secondaires neuropsychiatriques ou cardiovasculaires avec ce médicament, il s’agit d’un médicament nouveau, sur lequel on n’a peu de recul, donc il faut rester vigilant…"

Pas grand chose à proposer aux patients, à part la chirurgie. Finalement, contrairement à d’autres pathologies qui bénéficient d’une palette de possibilités médicamenteuses, on n’a aujourd’hui quasiment rien à proposer aux patients, alors même qu’il n’y pas UNE mais DES obésités, explique le médecin. "Il y a des personnes qui mettent en place des mesures nutritionnelles médicales mais qui, malgré cela, n'arrivent pas à perdre du poids, décrit-il. On n’a pas de traitement à leur proposer, à part la chirurgie bariatriqueC'est une option efficace, mais qui comporte des effets secondaires, mais aussi des risques, même s’ils se comptent en quelques pourcents. Il s'agit en outre d'une méthode qui nécessite un suivi sur le long terme. Or, en France, la moitié des personnes qui se font opérer ne sont pas correctement suivies." Le docteur Hansel rappelle en effet que la mortalité s’élève quand même à 1 pour 1000. Quant aux risques, ils sont nombreux à long terme : carences en vitamine D, D1, ostéoporose, hypoglycémie, augmentation du taux d'alcoolémie et du taux de suicide, etc. Mais aussi à court terme, en particulier avec le risque de fistules gastriques (1%). Et pourtant, ces interventions se banalisent de plus en plus. Aujourd'hui, en France, il y a environ 50 000 interventions chaque année. C'est trois fois plus qu'en 2006 et quatre fois plus qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni où cette chirurgie est nettement moins bien prise en charge par les systèmes d'assurance maladie.