Antibiogramme : interprétation, technique, quand le faire ?

Dans le cadre d'une infection bactérienne, il est nécessaire de réaliser un antibiogramme pour savoir quel sera l'antibiotique le plus adapté. Technique, déroulé, interprétation des résultats, antibiogramme sensible... Découverte avec Anne Holstein, microbiologiste à Tours.

Antibiogramme : interprétation, technique, quand le faire ?
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Définition : qu'est-ce qu'un antibiogramme ?

L'antibiogramme est une sorte d'examen effectué en laboratoire pour tester la sensibilité d'une bactérie vis-à-vis d'un certain nombre d'antibiotiques. Les bactéries présentent des résistances naturelles aux antibiotiques mais peuvent également acquérir des résistances supplémentaires au cours du temps. On ne peut pas deviner à l'avance quelle va être la sensibilité d'une bactérie aux antibiotiques. L'antibiogramme permet de tester la bactérie considérée comme pathogène vis-à-vis de plusieurs antibiotiques afin d'établir un profil de sensibilité appelé antibiogramme.

Quand le faire ?

Lorsque le médecin suspecte une infection chez un patient, il prescrit une analyse microbiologique (analyse d'urines, prélèvement cutané, hémocultures…). Le prélèvement est analysé dans un laboratoire de Biologie Médicale pour rechercher des agents pathogènes. "Si après identification, une bactérie est considérée par le laboratoire, un antibiogramme est réalisé sur la souche bactérienne afin de permettre au médecin de prescrire l'antibiotique le plus adapté dans une situation donnée", explique Anne Holstein, microbiologiste à Tours.

Comment le faire ?

Dans un premier temps, "ensemence le prélèvement sur des milieux nutritifs pour faire pousser les bactéries, comme pour une plant ". Cette étape de culture dure 18h à 24h pour la plupart des bactéries. La seconde étape consiste à mettre en contact la bactérie cultivée, considérée comme pouvant avoir un rôle pathogène, avec des antibiotiques à une concentration connue. Il existe deux façons de procéder (en milieu liquide ou en diffusion sur gélose) mais le principe reste le même.

1° La méthode en milieu liquide. Il s'agit de la méthode classique. Certains antibiotiques peuvent être testés en milieu liquide. Une même quantité de bactérie est inséré dans des tubes. On y ajoute ensuite des doses croissantes d'antibiotiques. "Si la bactérie se multiplie et que l'antibiotique n'a donc pas d'effet, on aperçoit que la solution est trouble", explique la microbiologiste.

2° La méthode des disques (ou boite de pétri). La bactérie est ensemencée sur une gélose (substance nutritive favorisant ou inhibant la prolifération des bactéries) ou étalée dans une boite de pétri. Le biologiste recouvre ensuite le disque par un cercle imbibé d'antibiotique. "Si l'antibiotique agit, un diamètre d'inhibition (zone dans laquelle la bactérie ne pousse pas) va se former autour du disque", détaille Anne Holstein.

Pour résumer, après un contact d'au minimum 16h entre la bactérie et l'antibiotique sur un milieu nutritif, on mesure s'il y a eu ou non une croissance bactérienne.

→ Si la bactérie a réussi à croitre en présence l'antibiotique, elle est "résistante" à cet antibiotique, ou autrement dit l'antibiotique n'est pas actif sur la bactérie donc ne doit pas être utilisé chez ce patient.

→ Si la bactérie n'a pas réussi à se multiplier, elle est "sensible" à l'antibiotique, donc l'antibiotique peut être utilisé.

Comment interpréter les résultats ?

"Il n'existe pas un antibiotique qui sera efficace sur toutes les bactéries. On teste donc un panel d'antibiotiques", explique la biologiste. Il existe des recommandations européennes qui précisent quels antibiotiques doivent être testés pour une bactérie. Pour un couple bactérie/antibiotique, on détermine la concentration minimale inhibitrice (ou CMI). Il s'agit de la plus petite concentration d'antibiotique qui empêche la croissance de la bactérie. En comparant la CMI aux abaques européens, on détermine alors la sensibilité ou la résistance de la bactérie à l'antibiotique.

Si la souche bactérienne est sensible, l'antibiotique sera efficace sur l'infection.

Si la souche bactérienne est intermédiaire, cela signifie la concentration d'antibiotique sera dans certains cas suffisante et dans d'autres non. Dans ce cas, la bactérie pourrait résister à l'antibiotique in vivo et il est donc préférable de ne pas donner cet antibiotique.

Si la souche bactérienne est résistante, cela signifie que l'antibiotique est inutile face à cette bactérie ou que la dose nécessaire pour la tuer devrait être beaucoup trop élevée pour être prescrite à un patient. L'antibiotique n'est donc pas adapté.

Anne Holstein précise : "Les antibiotiques ne sont pas tous systématiquement actifs sur toutes les parties du corps. Certains ne seront efficaces par exemple que pour le traitement d'une infection des voies urinaires alors que d'autres diffuseront jusqu'au sang ou aux poumons. Le choix d'un traitement antibiotique par le médecin ne peut pas être orienté seulement par l'antibiogramme. Il doit également prendre en compte le lieu de l'infection, les antécédents médicaux du patient ou les autres traitements médicamenteux par exemple."

Quelles sont les précautions et contre-indications ?

"Il n'y a pas vraiment de précautions ou de contre-indications à prendre car aucune analyse n'est pas faite in-vivo, directement sur le patient. Tout l'intérêt de l'antibiogramme est justement de ne pas jouer avec la santé des patients et de faire nos analyses en laboratoire pour permettre au médecin de donner le bon traitement à la personne malade, en évitant au mieux les effets indésirables d'une antibiothérapie."

Merci à Anne Holstein, microbiologiste à Tours