Sommes-nous tous égaux face à la douleur ?

Avoir souvent mal au ventre, au dos, à la tête, est-ce être douillette ? Le Dr Delphine Lhuillery, médecin spécialiste du traitement de la douleur, nous explique pourquoi certaines personnes souffrent plus que d'autres.

Sommes-nous tous égaux face à la douleur ?
© 123RF/Andrey Popov

Wim Hof, dit "l'homme de glace", est capable de faire l'ascension de l'Everest en short et tenir deux heures plongé dans une eau glacée. Le tout, sans avoir mal, dit-il. D'autres se blessent un doigt en cuisinant et souffrent une semaine. Alors, sommes nous égaux face à la douleur ? Une médecin spécialiste en la matière nous répond.

"Si vous me posez la question, vous savez déjà qu'on n'est pas tous égaux !" s'exclame le Dr. Delphine Lhuillery. Mais ce serait trop simple d'y répondre par oui ou non. Elle rappelle que la souffrance est toujours causée par une lésion physiologique : "Si certaines douleurs demeurent invisibles avec nos appareils, elles ne sont jamais purement psychologiques."

"En revanche, le ressenti douloureux varie selon les patients", précise-t-elle. Pourquoi ? "Parce que la tête fait effet loupe ! Si l'esprit ne peut pas inventer une douleur, il peut l'augmenter ou la diminuer". Et d'ajouter : "quand on ne va pas bien, le cerveau augmente l'information douloureuse." Les personnes dépressives ou anxieuses ont donc tendance à ressentir la douleur avec plus d'intensité. Contrairement au fameux "homme de glace", Wim Hof, dont le cerveau, avec de l'entraînement et beaucoup de volonté, combat plus facilement la souffrance. D'un point de vue psychologique, donc, nous ne sommes pas tout à fait égaux face aux maux.

Les femmes moins équipées que les hommes face à la douleur ?

La deuxième raison qui nous rend inégaux face au ressenti douloureux ? "Les femmes y sont biologiquement plus sensibles" argumente Delphine Lhuillery. Ce sont nos hormones qui nous permettent de lutter contre un mal. Les hommes et les femmes ne sont pas égaux du tout à ce niveau-là. La testostérone des hommes est d'une part plus efficace, mais surtout plus régulière. "Les hormones féminines (œstrogènes, progestérone) sont mouvantes pendant le cycle. Résultat ? Elles ne sont au top que 24h à 48h par mois !"

Et de préciser : "Plus un corps a expérimenté la douleur, plus il y est sensible". Dans la mesure où les femmes souffrent régulièrement au moment du cycle, elles sont d'autant plus susceptibles d'avoir plus mal qu'un homme sur une même stimulation douloureuse. "Même si mes patientes me rétorquent souvent : quand mon mari a un rhume, c'est la fin du monde. Moi je m'en sors très bien !" plaisante-t-elle. Ceci, Delphine Lhuillery l'explique sur le plan psychologique : comme les femmes sont plus habituées à souffrir de manière chronique, elles sont psychologiquement mieux armées que les hommes pour y faire face.

Pour lutter contre une douleur physique, le cerveau sécrète des endomorphines (ou endorphines). Celles-ci effacent une partie du ressenti douloureux. Mais en vieillissant, nos défenses naturelles sont moins performantes et on a plus souvent mal. L'âge, le sexe et la condition psychologique nous rendent inégaux face à la douleur.

Hypersensibilité versus insensibilité chronique à la douleur

Il existe deux pathologies de la douleur, aux effets opposés. L'hypersensibilité, due à un trop plein de stimulations douloureuses dans le corps, qui submergent le cerveau et l'empêchent de réagir correctement. Et l'insensibilité congénitale à la douleur (ICD) : maladie génétique particulièrement rare. Chez les patients qui en souffrent, "l'information douloureuse existe, mais est stoppée le long du parcours et n'arrive pas au cerveau", explique la médecin de la douleur. Les patients ne ressentent donc pas qu'ils ont mal. Souvent, cela s'explique par une trop grande sécrétion d'endorphines.