Les femmes enceintes exposées aux perturbateurs endocriniens

Santé Publique France publie les premiers résultats d'une vaste étude, qui décrit l'exposition des femmes enceintes françaises à certains polluants environnementaux, du bisphénol A aux phtalates en passant par les pesticides.

Les femmes enceintes exposées aux perturbateurs endocriniens
© Ferli Achirulli - 123 RF

Certains polluants organiques, parmi lesquels les perturbateurs endocriniens, sont retrouvés chez près de la totalité des femmes enceintes. Les concentrations mesurées sont néanmoins légèrement inférieures à celles observées dans les études antérieures. 

Voici ce que l'on peut conclure d'une étude inédite que vient de dévoiler Santé Publique France. Elle apporte de nouvelles données sur les effets des perturbateurs endocriniens, tels que le bisphénol A, les phtalates ou encore les pesticides, sur la santé des femmes enceintes et de leur futur enfant. Au total, 6 familles de ces polluants dits "organiques" ont été étudiées. Santé Publique France a mené son étude auprès de 4 145 femmes enceintes ayant accouché en 2011 en France (cohorte Elfe). Les mesures ont été effectuées à partir de prélèvements recueillis au moment de l'accouchement (sang de cordon, urines, cheveux, sérum).

Son objectif est double : côté recherche, il s'agit de mieux comprendre le mode d'action des perturbateurs endocriniens sur l'organisme. Côté politique sanitaire, l'étude devrait aider les pouvoirs publics à mettre en place des mesures pour limiter l'exposition des femmes et à mesurer dans le temps leur efficacité. Rappelons qu'en France, le bisphénol A a été banni des contenants alimentaires et des jouets, de même que les phtalates sont désormais interdits dans certains dispositifs médicaux à destination des femmes enceintes et des nouveaux-nés.

La grossesse, une période clef.  Plusieurs études avaient déjà montré que les perturbateurs endocriniens ont un impact sur la grossesse (retard de la croissance intra-utérine, malformations génitales ou encore une altération du poids de l'enfant). L'Agence de l'environnement (Anses) avait d'ailleurs publié par précaution, dès 2011, une brochure d'information pour inciter les femmes enceintes à réduire leur exposition au bisphénol A.

Dans le détail, quels sont les résultats observés ? Cette nouvelle étude confirme l'omniprésence des polluants de l'environnement et ce malgré les restrictions d'usage de certains d'entre eux. Les concentrations mesurées sont néanmoins inférieures à celles observées dans les études antérieures françaises et étrangères. Par exemple, une des hypothèses à considérer pour expliquer la moindre concentration urinaire en BPA chez les femmes enceintes pourrait être sa substitution progressive par d'autres substances, notamment les bisphénols S ou F. Les résultats de l'étude permettent aussi de confirmer les sources d'exposition connues des polluants mesurés : alimentation, tabac, produits d'hygiène et cosmétiques, pesticides, etc.

Le bisphénol A, utilisé depuis 50 ans et que l'on retrouve un peu partout dans les objets de notre quotidien (emballages alimentaires, boîtes de conserve, plastiques, etc.) a été quantifié chez plus de 70 % des femmes. Rappelons que le BPA est suspecté d'induire des effets délétères sur le système reproducteur, le système endocrinien, le métabolisme (diabète) et le système cardio-vasculaire. "La période d'exposition prénatale au BPA apparaît comme particulièrement critique car elle est susceptible d'altérer le développement du fœtus et d'entraîner des effets précoces pouvant avoir des conséquences pathologiques à l'âge adulte", précise Santé Publique France. Autre résultat intéressant : l'imprégnation des femmes enceintes par le BPA augmente avec la consommation d'aliments susceptibles d'avoir été en contact avec des matières plastiques ou des résines contenant du BPA (aliments pré-emballés dans du plastique ou en boîtes de conserve, vin, eau en bouteille ou en bonbonne). Elle augmente également avec la présence de linoléum au domicile et l'utilisation prolongée de la télévision. Ces deux variables suggèrent que l'exposition peut aussi avoir lieu par inhalation de bisphénol A sous forme volatilisée à partir des équipements présents dans le logement, voire par l'ingestion de poussières contaminées. Les résultats montrent enfin que le fait d'accoucher par césarienne est associé à des niveaux d'imprégnation par le BPA plus élevés qui pourraient en partie être liés à une exposition récente et ponctuelle au BPA contenu dans le matériel médical utilisé lors de ce type d'accouchement (perfusion, sonde urinaire, etc.)

99,6 % des femmes ont été exposées à au moins un phtalate. Ce résultat démontre que, malgré les restrictions d'usages, les phtalates demeurent omniprésents dans l'environnement et les produits de consommation courante. L'étude montre par ailleurs que l'exposition des femmes augmente avec la consommation d'aliments riches en matières grasses susceptibles d'avoir été en contact avec des matériaux contenant des phtalates (crème fraîche, glaces, entremets, etc.). Elle augmente également avec l'utilisation de produits d'hygiène (cosmétiques, soins pour les cheveux et produits ménagers) et de peinture pendant la grossesse.

Les pesticides ont été rarement mesurés à un niveau de concentration quantifiable, à l'exception des pyréthrinoïdes qui étaient quantifiés chez près de 100 % des femmes enceintes, révèle encore l'étude de Santé Publique France. On apprend aussi que plus celles-ci utilisent d'insecticides, d'anti-poux ou d'anti-puces, plus ces substances se retrouvent dans leurs urines. La consommation de tabac et d'alcool semble aussi corrélée à une plus grande imprégnation par les pyréthrinoïdes. De même que la présence de certaines cultures agricoles à proximité du lieu de résidence. 

En mai 2016, une association de médecins avait lancé une campagne de prévention contre les perturbateurs endocriniens afin de sensibiliser aux risques encourus par les femmes enceintes et leurs enfants. 

Voici quelques conseils pratiques pour les femmes enceintes et allaitantes pour limiter l'exposition aux perturbateurs endocriniens :

  • évitez d'utiliser de la vaisselle et des récipients en plastique polycarbonate, ainsi que le réchauffage au micro-ondes ;
  • ne versez pas de boissons ou d'aliments très chauds dans les récipients en polycarbonate ;
  • utiliser le moins possible de produits cosmétiques et de lotions pendant la grossesse et l'allaitement ;
  • éviter de colorer ses cheveux pendant la grossesse ou l'allaitement.