Gardasil 9 : "son bénéfice n’a pas encore été évalué pour les femmes françaises"

La Commission européenne a annoncé le 17 juin dernier la commercialisation du Gardasil 9, un nouveau vaccin contre les papillomavirus. Eclairage d’Isabelle Heard, qui co-dirige le Centre national de référence pour les papillomavirus à l’Institut Pasteur à Paris.

Gardasil 9 : "son bénéfice n’a pas encore été évalué pour les femmes françaises"
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Après le feu vert de la FDA en décembre 2014, c'est au tour de l'Europe d'autoriser la commercialisation du Gardasil 9. Ce vaccin, qui cible 9 types de papillomavirus, pourrait donc bientôt succéder au classique Gardasil, commercialisé en France depuis 2006. 

Le Gardasil est un vaccin, non obligatoire, recommandé en France pour les jeunes filles entre 11 ans et 14 ans. Il est efficace contre 4 types de papillomavirus différents : les HPV 16 et 18, retrouvés dans 70 % des cancers du col ainsi que les HPV6 et 11, non cancérigènes mais associés à des lésions bénignes appelées condylomes (verrues génitales).

Le papillomavirus est un virus transmis lors des premières relations sexuelles et la plupart du temps, détruit pas nos anticorps. "La quasi-totalité des femmes rencontrent ce virus, majoritairement le HPV 16, au début de leur vie sexuelle, confirme Isabelle Heard. Il s’agit d’une infection banale et sans complication, qui disparait spontanément." Plus rarement, dans environ 5% des cas, ce virus provoque des lésions génitales qui vont régresser spontanément. L’évolution vers les lésions précancéreuses est très rare (on les détecte chez moins de 1% des femmes), mais environ 60% d'entre elles peuvent évoluer vers le cancer. "Au final, le risque qu'une infection par les  papillomavirus évolue en cancer est très faible et demande une trentaine d’années", résume Isabelle Heard. En France 3000 femmes développent chaque année un cancer du col et 1000 en décèdent. Par comparaison, le cancer du sein est responsable de près de 12 000 décès chaque année en France sur 48 000 cas. 

Le Gardasil 9 est-il plus efficace que le Gardasil ? Comme son prédécesseur, le Gardasil 9 contient les HPV 6 et 11 et protège donc du risque de verrues génitales. Il cible par ailleurs 7 génotypes oncogènes de papillomavirus, dont les HPV 16 et 18. La question, que l’on peut donc légitimement se poser, est de savoir si les 5 nouvelles souches inclues dans le nouveau vaccin sont également des souches fréquemment rencontrées par les femmes françaises. Car comme nous l’explique Isabelle Heard, le vaccin Gardasil 9 a été conçu à partir de données d’infection mondiales, mais "il existe des différences géographiques d’un pays à l’autre"

Selon le communiqué de presse de Sanofi, diffusé le 17 juin dernier, "les 7 types d'HPV à haut risque oncogène ciblés par Gardasil 9 (HPV 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58) sont à l'origine, en France, d'environ 90 % des cas de cancer du col de l'utérus." La protection de ce nouveau vaccin serait donc élargie, passant de 70 % à 90 %. Sauf que pour donner ce taux de protection, le laboratoire s’appuie sur une étude qu’il a lui-même réalisée (Riethmuller et al. BMC Public Health, 2015). En somme, son efficacité pour les femmes françaises n’a pas encore été évaluée par des études indépendantes de l’industrie pharmaceutique.

Isabelle Heard, co-dirige le Centre national de référence pour les papillomavirus à l’Institut Pasteur à Paris. Cette unité a notamment pour mission de décrire et surveiller la distribution des papillomavirus chez les femmes, vaccinées et non vaccinées (Heard et al, PlosOne). Les études qu’elle mène fournissent ainsi des données nécessaires à l’évaluation de la politique vaccinale et à la définition des génotypes devant être inclus dans les vaccins de deuxième génération contre les papillomavirus. Pour l'heure, "nous allons regarder les données et évaluer le bénéfice de ce nouveau vaccin pour les femmes françaises", explique-t-elle.

Le frottis, efficace en prévention. Actuellement, la prévention du cancer du col de l’utérus passe par la prévention des infections sexuellement transmissibles (port du préservatif) et surtout par le frottis cervical de routine. Et pour cause : cet examen permet de détecter les lésions causées par les papillomavirus. C'est bien pour cette raison, qu'il est indispensable de consulter régulièrement un gynécologue. Détecter précocement les lésions précancéreuses du col permet de les traiter le plus tôt possible et d’éviter qu’elles n’évoluent en cancer. Selon l'Institut nationale du cancer (InCa), un dépistage systématique et organisé pourrait même permettre d'atteindre "en quelques années une couverture de dépistage de 80 % des femmes et ainsi de réduire de plus de 20 % le nombre de décès." Depuis 20 ans, la stratégie a d'ailleurs été efficace : la mortalité par cancer du col de l'utérus a en effet diminué de moitié. Mais elle pourrait être encore meilleure si l'ensemble des femmes se faisaient correctement dépistées. En effet, seules 60 % d'entre elles réalisent un frottis régulièrement. Selon Isabelle Heard, le frottis est un outil de dépistage efficace lorsqu'il est réalisé tous les trois ans. L'ennui, selon elle, c'est que les femmes qui ne se font pas suivre régulièrement, soit parce qu'elles résident dans des zones désertées médicalement, soit pour d’autres raisons, échappent au dépistage. Peut-être que la mise en place d'un dépistage organisé, comme celui qui existe pour le cancer du sein, pourrait présenter un intérêt ? "Oui, certainement, répond Isabelle Heard. C'est même la première priorité de l'Institut national du Cancer dans le cadre du Plan Cancer !"