Comment se répartissent les cancers liés à l'alcool et au tabac en France ?

Une étude menée par l’InVS fait le lien entre les consommations d'alcool et de tabac dans les départements français et la prévalence de certains cancers. Et pointe de fortes disparités en fonction du sexe.

Comment se répartissent les cancers liés à l'alcool et au tabac en France ?
© Photographee.eu

Et si votre risque de cancer dépendait de votre département ? Une large étude menée par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Institut National du Cancer (INCa) révèle des disparités géographiques en termes de cancers dans son rapport "Estimations de l’incidence départementale des cancers en France métropolitain", publié ce mois de juin 2015. Parmi les cancers les plus spatialisés : "ceux liés au tabac ou à l’alcool, qui semblent correspondre aux variations d’exposition des populations à ces facteurs de risque", expliquent les auteurs de ces travaux dans un communiqué.

Une étude en fonction du département et du sexe. L’étude a été conduite entre 2008 et 2010, sur l’ensemble du territoire français, et a concerné huit cancers chez la femme (lèvres-bouche-pharynx, côlon-rectum, poumon, sein, col de l’utérus, corps de l’utérus, ovaire, vessie) et huit chez l’homme ( lèvres-bouche-pharynx, œsophage, côlon-rectum, larynx, poumon, prostate, testicule, lymphome malin non-hodgkinie). Les incidences de ces cancers semblent dépendre non seulement de la zone géographique, mais aussi du sexe.

Sud et Île-de-France : des risques plus élevés de cancer des poumons pour les femmes. Cette étude révèle une "sur-incidence du cancer du poumon dans le sud de la France chez les femmes par rapport à la moyenne nationale, notamment dans les départements urbanisés, et en Ile-de-France." À l’inverse, ce cancer touche moins les femmes de l’Ouest et du Nord.

Des risques plus marqués dans le Nord pour les hommes. "Par rapport à la moyenne nationale pour le cancer des lèvres-bouche-pharynx, pour le larynx, pour le poumon et pour l’œsophage, on observe pour ces cancers une incidence très élevée, notamment dans le Pas-de-Calais, le Nord et la Seine-Maritime." En parallèle, les départements de l’Ouest et du Sud de la France présentent moins de risques pour ces cancers liés au tabac et à l'alcool chez les hommes.

Une géographie du tabagisme qui dépend du sexe. Dans les deux cas, "les résultats les plus facilement interprétables concernent les pathologies cancéreuses pour lesquelles le tabagisme et la consommation d’alcool constituent des facteurs de risque majeurs", à savoir les cancers des lèvres-bouches-pharynx, du larynx, du poumon et de l’œsophage. Comment expliquer une telle différence entre hommes et femmes ? "Ces observations pourraient être induites par une géographie du tabagisme différente selon le sexe, ce qui semblerait moins vrai pour la consommation d'alcool", estiment les auteurs de l'étude. "Ces informations devraient permettre aux acteurs de santé publique d’ajuster les politiques de santé aux besoin de la population locale" espèrent-ils aussi. Par ailleurs, les autres types de cancer possédant des facteurs de risque moins bien identifiés, la différenciation géographique s’est avérée moins marquée.

L’alcool à l’ordre du jour pour l’Assemblée. Cette étude paraît alors que la question de l’information sur l’alcool sera à nouveau étudiée demain 16 juin 2015 à l’Assemblée Nationale. Dans le cadre de la loi Macron, un amendement modifiant la loi Evin permettrait en effet d’autoriser l’information non publicitaire sur l’alcool. Agnès Buzyn, présidente de l’Institut National du Cancer s’est inquiété à ce sujet dans une interview au journal La Croix datée du 11 juin : "Si cet amendement est maintenu dans le texte final, on verra déferler dans les médias de nombreux publi-reportages qui permettront, sous couvert d’information, de faire la promotion des boissons alcoolisées. C’est inacceptable pour la santé publique lorsqu’on connait l’impact de la publicité, notamment auprès des jeunes. […] C’est irresponsable de vouloir toucher ainsi à la loi Evin dans un pays comme le nôtre où la consommation d’alcool demeure l’une des plus élevées d’Europe." De même, la Ministre en charge de la Santé, Marisol Touraine, s’est alarmé sur RTL ce dimanche 14 juin que chaque année, "50 000 personnes meurent directement ou indirectement des suites d’une consommation excessive d’alcool." En parallèle, devant le monde du vin réuni à Bordeaux pour la Vinexpo du 14 au 18 juin, le Président de la République François Hollande a déclaré que la  loi Evin devait d'abord être préservée. "C'est ce que demande depuis des semaines l'ensemble des acteurs de la santé depuis le vote d'un amendement la remettant gravement en cause" explique un communiqué des organisations mobilisées en ce sens. Michèle Delaunay, députée du Bordelais et médecin a aussi lancé l'initiative d'un contre-amendement "pour conserver la loi Evin dans son équilibre actuel."