L'inacceptable poids des frais médicaux non remboursés en cas de cancer du sein

La Ligue contre le Cancer dévoile une enquête sur les difficultés rencontrées par les femmes à la suite d'une mastectomie pratiquée pour soigner leur cancer du sein. Des difficultés psychologiques, mais aussi financières, en raison d'importants restes à charge.

L'inacceptable poids des frais médicaux non remboursés en cas de cancer du sein
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La mastectomie pratiquée dans le cadre d’un cancer du sein entraîne d’importants restes à charge pour les patientes, révèle La Ligue contre le Cancer, qui publie ce jeudi une enquête sur le vécu des femmes dans leur parcours de soins à l’issue d’une mastectomie. 

Psy, kiné, sous-vêtements adaptés… Des frais inacceptables pour les patientes. Une femme interrogée sur deux estime avoir eu des difficultés pour faire face aux restes à charge après une mastectomie, essentiellement en raison des frais de consultation avec un psychologue. "Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’accompagnement psychologique de ces femmes mutilées et touchées dans leur féminité est indispensable avant, pendant et après la mastectomie", déplore Graziela Fumagalli (La Ligue contre le Cancer). Autres frais supportés, les dépassements d’honoraires pour des séances de kinésithérapie. Des séances elles aussi nécessaires pour soulager les douleurs liées aux lymphœdèmes, qui peuvent apparaître à la suite des traitements (ablation des ganglions). Et ce n’est pas tout : certains médicaments utilisés pour apaiser les cicatrices ne sont pas remboursés. Il faut aussi débourser des sommes non négligeables pour l'achat de prothèses externes ou de soutien-gorge adaptés. Au final, à la suite d’une mastectomie, un reste à charge moyen de 456 euros est déclaré par une femme sur trois ayant eu des soins supplémentaires. "Entre les soutiens-gorge à 75 euros, les crèmes cicatrisantes… et tous ces soins que l’on appelle "soins de confort", j’ai dû sacrifier une partie du budget loisirs de la famille", raconte Marie (34 ans). Même constat pour Soumeya (45 ans) : "Ma mutuelle ne couvrait pas tous les frais, alors j’ai dû choisir entre la perruque et la prothèse ! Il se trouve que je préférais porter des foulard, mais quand même, c’est inadmissible de devoir choisir…!"

Prothèses, reconstruction : la double peine ? Après la mastectomie, les femmes qui choisissent de ne pas se faire reconstruire ou qui doivent patienter en attendant leur opération, doivent encore supporter des frais importants. "Les prothèses externes coûtent environ 150 à 200 euros, mais la Sécurité sociale ne rembourse que 69,75 euros. Ce plafond n’a pas été valorisé depuis 1980… !", s’étonne Emmanuel Jammes, délégué à la Ligue contre le Cancer.

Quant aux femmes qui vont jusqu’à la reconstruction chirurgicale, l’étude de la Ligue contre le Cancer estime qu’elles doivent supporter des restes à charge encore plus importants : en moyenne 1391 euros. En effet, si cette intervention chirurgicale est prise en charge par l'Assurance maladie dans le cadre de l'ALD (affection de longue durée), les dépassements d'honoraires facturés par certains chirurgiens ne le sont pas. De plus, certaines mutuelles proposent des remboursements en fonction du niveau souscrit, mais pas toutes. En plus de ces frais, des soins complémentaires viennent encore alourdir la facture de 574 euros en moyenne, pour couvrir les soins liés aux cicatrices par exemple. Mais aussi, et encore, à l’indispensable suivi psychologique, tellement nécessaire après l’intervention. 

Inégalités de prise en charge. Au final, les restes à charge pèsent dans le budget des femmes et de leur famille. Une femme sur deux ayant eu une mastectomie évoque des difficultés financières pour faire face au reste à charge. Parmi elles, 15 % ont eu recours à une aide extérieure (famille, association, crédit) pour couvrir ces frais. Et le problème, c'est que ces frais supplémentaires pèsent surtout sur les femmes qui ont déjà des difficultés financières. "Ces femmes font face à des dépenses importantes, parfois récurrentes qui continuent à les pénaliser, même après leur guérison. Fragilisant d'autant plus les femmes les plus modestes, ainsi que leurs familles, ces restes à charges creusent un peu plus les inégalités face au cancer, enjeu crucial du Plan cancer 2014-2019", décrit pour sa part le professeur Jacqueline Godet, Présidente de la Ligue contre le cancer. "Que dire de l’hypocrisie de nombre de mutuelles qui refusent de considérer tout dépassement d’honoraires. Il n’y a de toute façon pas assez de place dans le service public, en particulier dans les grandes villes pour traiter toutes les femmes dans un délai correct", témoigne encore une patiente.

Choisir (ou pas) la reconstruction. La Ligue contre le Cancer a également évalué le ressenti des femmes tout au long de leur parcours après une mastectomie. Car au-delà des difficultés financières, la mastectomie, bien que nécessaire pour guérir le cancer du sein, est une opération mutilante, touchant à l’image et à la féminité. Une annonce que nombre de femmes prennent comme un nouveau coup de massue. La mastectomie est souvent perçue comme violente et associée à des termes comme "mutilation" ou "perte", souligne ainsi l’enquête de la Ligue contre le Cancer. "J'ai le ciel qui me tombe sur la tête et le sol qui se barre sous mes pieds. Et après, j'ai l'impression de ne plus entendre, de ne plus comprendre ce que l'on me dit. J'ai des infos, mais je suis bloquée sur le mot mastectomie", témoigne ainsi une femme interrogée. Après cette étape mutilante, se pose alors la question de combler un vide physique, de retrouver une identité. Un choix difficile, pas forcément évident. "D’un côté, il y a les femmes résignées et soulagées d’avoir soigné leur cancer. Pour elles, avoir un sein en moins n’est pas essentiel, décrit Emmanuel Jammes. Et puis, de l’autre côté, il y a les femmes, qui ont le sentiment d’avoir perdu leur identité et leur féminité. Cette ablation a un réel impact sur leur image d’elle-même mais aussi sur leur intimité et leur sexualité." 

Aujourd'hui, bien que la chirurgie plastique offre moult techniques pour répondre le mieux possible aux attentes des patientes, il existe encore de nombreux freins à la chirurgie réparatrice. Selon la Ligue contre le cancer, le choix de se faire reconstruire, ou pas, est fortement lié à l'âge et à la peur des opérations, mais aussi à l'image corporelle que les femmes ont d'elles-mêmes. Elles évoquent en outre diverses difficultés et en particulier le manque d’information, mais aussi de communication avec les médecins. La Ligue contre le cancer expérimente d'ailleurs la mise en place de "patients ressources" au sein de chaque département. L'idée, c'est que ces anciens malades, servent d'interlocuteurs auprès des professionnels de santé et des malades en cours de traitement. "Ils peuvent apporter leur expertise de façon plus humaine et aider les patients à mieux comprendre les informations médicales, détaille Emmanuel Jammes. On aimerait développer ce réseau de patients conseils, nous sommes convaincus de leur utilité. Maintenant, il ne reste qu’à le prouver aux pouvoirs publics…"

Propos reccueillis lors de la Conférence de presse de la Ligue nationale contre le cancer, 23 avril 2015.

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