Après un cancer, la vie Réapprendre à vivre en société

A chacun sa façon de vivre la période de traitement : certains préfèrent s'isoler pour ne pas être vus en souffrance ou faire souffrir les proches. D'autres au contraire ont besoin d'extérioriser leur mal-être. Dans tous les cas, il est souvent difficile de conserver un cercle d'amis identique au début et à la fin de la maladie. "J'ai entendu si souvent des malades me dire qu'ils avaient du changer totalement leur carnet d'adresses, regrette Françoise May-Levin. C'est très douloureux à vivre. Je pense que dans beaucoup de cas, les amis ne savent pas trop comment se comporter, ils ont peur de ne pas savoir quoi dire, d'être maladroits, alors ils évitent... Mais ce n'est pas la bonne solution. Si j'avais un conseil à leur donner ce serait de se manifester, quoi qu'il arrive, même si c'est pour dire qu'on ne sait pas quoi faire ou dire."

"La maladie peut rapprocher deux personnes jusqu'à les rendre fusionnelles ou, au contraire, les éloigner définitivement."

Pour la famille, le couple notamment, la situation est encore différente. La maladie peut rapprocher deux personnes jusqu'à les rendre fusionnelles ou, au contraire, les éloigner définitivement. "En fait, cela exacerbe la nature de la relation, analyse Françoise May-Levin. Un couple déjà très proche, où tout se passe bien, peut sortir encore renforcé de cette épreuve. En revanche, les petits soucis ou discordes existantes peuvent se trouver démultipliés jusqu'à atteindre l'irrémédiable séparation." Pour Jean-Pierre Escande, c'est la première option qui a prévalu. Il y a huit ans, sa femme apprend qu'elle est atteinte d'un cancer. "Pour moi, c'était une évidence que de l'accompagner dans son parcours de soins, se souvient-il. D'ailleurs, elle aurait refusé de se soigner si je n'avais pas été avec elle."

Profiter de l'instant présent

Alors à la fin du traitement, il était évidemment présent, ainsi que les deux enfants du couple. Pour bien gérer cette phase de convalescence, des groupes de parole, organisés par les associations de lutte contre le cancer, peuvent aider à retrouver des repères et un cercle d'amis. "Il s'agit d'une réunion de personnes qui ont toutes été confrontées à l'expérience du cancer, qu'il soit encore là ou pas, explique le Dr May-Levin. Il ne s'agit pas d'un groupe médical mais plutôt d'un groupe thérapeutique, encadré par un psychologue et un médecin. Il n'y a aucun tabou, c'est totalement gratuit et convivial. Une fois par mois environ, on se retrouve et chacun parle de son expérience. Bien souvent, une solidarité très forte se crée entre les membres du groupe."

Dans les service d'oncologie, une unité de psycho-oncologie est souvent disponible, avec des psychiatres spécialisés. C'est ainsi le cas à l'Institut Curie. "Mais nous sommes encore trop peu nombreux, regrette Sylvie Dolbeaux, responsable du service. Après évaluation, nous traitons les cas plus graves et nous envoyons les autres personnes ayant besoin d'un soutien psychologique dans des consultations externes."

passés ces premiers mois difficiles, les personnes qui ont subi un cancer
Passés ces premiers mois difficiles, les personnes qui ont subi un cancer deviennent souvent plus positives que la moyenne, plus enthousiastes face à la vie. © Eléonore H - Fotolia.com
Passés ces premiers mois difficiles, les personnes qui ont subi un cancer deviennent souvent plus positives que la moyenne, plus enthousiastes face à la vie
. Le fait d'être passées près de la mort les a rendues plus conscientes de leur chance d'être en vie. Ainsi s'exprime Lili, de Valence : "Tout va bien, physiquement et moralement. Bien sûr, ma façon de voir la vie a changé : je relativise au maximum les problèmes, je profite plus de l'instant présent, j'apprécie davantage les bons moments. Bref, j'ai l'impression de mieux réaliser ce que le mot "vie" veut dire! La maladie m'a beaucoup appris à ce niveau-là."

Des propos confirmés par Sylvie Dolbeault, de l'Institut Curie: "Après quelques mois, lorsque le patient a pu prendre assez de recul pour faire le point, il réévalue ses priorité dans la vie. C'est rare qu'il change radicalement de vie. Mais, par exemple, il a pu faire "le tri" dans ses relations, reconnaître qui a été capable de le soutenir ou qui l'a abandonné. Au début c'est très dur, mais après un certain temps, les patients voient cela de façon plutôt positive."

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