Implants de stérilisation Essure : 3 questions pour comprendre

Les implants de stérilisation définitive Essure, soupçonnés de causer des troubles variés, font l'objet d'une première action en justice en France. Comment fonctionne Essure ? Faut-il s'inquiéter ?

Implants de stérilisation Essure : 3 questions pour comprendre
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Deux femmes, victimes d'effets secondaires à la suite de la pose de ce contraceptif définitif, ont déposé plainte contre le laboratoire Bayer qui les commercialise. Leur avocat, Charles Joseph-Oudin, souhaite qu'un expert se prononce sur le lien de cause à effet entre le dispositif et leurs pathologies. Le dispositif "sous surveillance renforcée" depuis deux ans est en effet soupçonné de causer des effets indésirables et des troubles variés, notamment hémorragiques et neurologiques. Essure fait aussi l'objet d'une alerte aux États-Unis où plus de 5 000 effets indésirables étaient signalés en 2015 depuis la commercialisation, avec des actions en justice en 2014, portées par la célèbre avocate, Erin Brockovich. 

A quoi sert l'implant Essure ?

Rappelons d'abord qu'il s'agit d'un implant dont l'objectif est la stérilisation définitive. A ne pas confondre, donc, avec les implants contraceptifs hormonaux commercialisés sous le nom de Nexplanon.

Essure est une méthode contraceptive définitive, commercialisée depuis 2003. Elle consiste en l'insertion d'un implant dans l'utérus. Il s'agit en fait d'un petit ressort en titane et en nickel que le médecin va poser, en passant par le vagin, dans chacune des trompes de Fallope, par hystéroscopie. Aucune incision, ni anesthésie ne sont nécessaires. La présence de l'implant provoque une sclérose (rétrécissement) qui au bout de 3 mois sera complète et bouchera donc totalement les trompes. Ainsi, le sperme ne peut plus passer, empêchant de ce fait toute fécondation. La méthode n'est donc efficace qu'au bout de 3 mois, pendant cette période une contraception est donc indispensable.

Il existe une autre méthode de stérilisation, plus ancienne, il s'agit de la ligature des trompes. Mais, comme le souligne le Dr Thierry Harvey,  gynécologue et chef de la maternité des Diaconesses, à Paris, "il s'agit d'une intervention plus risquée, effectuée sous anesthésie générale". Rappelons encore que la stérilisation à visée contraceptive peut aussi être masculine, on parle alors de vasectomie. Cette intervention pratiquée par un urologue se fait en 15 minutes sous anesthésie locale. Il faut environ 3 mois pour que l'homme n'ait plus de spermatozoïdes actifs. 

Que reproche-ton aux implants Essure ?

Selon le Dr Harvey, il n'est pas question ici de scandale sanitaire, comparable à l'affaire du Médiator ou de celle des pilules de 3egénération. Selon lui, il y a en fait deux points qui peuvent poser problème. Le premier, c'est que poser un implant Essure n'est pas un geste simple. "C'est un geste technique, qui nécessite une courbe d'apprentissage, et qui passe donc par un apprentissage sur de l'humain. De la même façon que poser un stérilet sur un mannequin en plastique ne sera jamais la même chose qu'en condition réelle, sur une vraie patiente. Et malheureusement, certains professionnels ne sont pas compétents avant d'avoir acquis cette expérience."

Le médecin précise que lorsque l'implant Essure est mal posé, des complications peuvent apparaître au moment de la pose, par exemple des perforations, des migrations de l'implant, etc. C'est pour cette raison, qu'il existe des recommandations de bonnes pratiques, qui précisent notamment qu'il faut prévoir à 3 mois, un contrôle par échographie et/ou hystérorographie (radio de l'utérus), afin de vérifier que le ressort s'est correctement déplié.

L'autre problème, selon le Dr Harvey, et qui n'a rien à voir avec la pose, c'est que certains effets secondaires décrits par les patientes sous Essure s'expliquent par le fait que celles-ci retrouvent leur cycle naturel. "Ce ne sont pas des complications, mais des effets secondaires prévisibles." En effet, les femmes qui étaient jusqu'alors sous pilule, donc sous hormones, retrouvent de vraies règles, parfois plus abondantes et plus douloureuses, mais aussi des douleurs dans les seins, des troubles de l'humeur et autres signes du syndrome prémenstruel. "Les femmes qui ont aujourd'hui une quarantaine d'années, sont des femmes de la "génération pilule", observe Thierry Harvey. Elles ont donc pris la pilule pendant plusieurs années et ont connu ses effets bénéfiques, mais qui masquaient en quelque sorte leur physiologie féminine naturelle." La conséquence, poursuit le gynécologue, c'est qu'en souhaitant se libérer des hormones, elles en ont oublié que les mêmes hormones masquaient souvent des désagréments. "Qui plus est, à partir de 35 ans, les ovaires fonctionnent moins bien, donc libèrent moins de progestérone : la muqueuse utérine est plus épaisse, les règles sont donc plus abondantes et plus douloureuses."

Faut-il s'inquiéter des plaintes déposées contre Bayer ?

Que faut-il penser de ce dispositif, qui fait l'objet d'une surveillance renforcée depuis deux ans ? Pour l'heure, le ministère de la Santé demeure rassurant. Dans un communiqué de presse publié le 9 décembre, il précise qu'il n'y a pas, à ce stade, d'élément permettant de remettre en cause le rapport bénéfices/risques, Les travaux menés par l'Agence du médicament (ANSM) depuis juillet 2015, "ont permis de déterminer que les complications signalées relevaient de la pratique de pose et non du dispositif en lui-même".

C'est d'ailleurs pour encadrer la pose des implants de stérilisation, que le ministère a publié en février 2016 un arrêté pour "accélérer la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique" destinées à la formation des professionnels de santé. Par ailleurs, le 27 avril 2016, l'ANSM a publié un point d'information visant à rappeler d'une part les précautions particulières devant entourer la pose du dispositif Essure, et d'autre part, les modalités de suivi des patientes après l'implantation. 

Le syndicat des gynécologues-obstétriciens, le CNGOF, saisi du sujet lors des Journées nationales à Montpellier début décembre, appelle toutefois à la vigilance. Selon son président le Pr Bernard Hédon, "la balance bénéfices-risques de la technique Essure reste positive". Mais, explique-t-il au Parisien, "notre devoir est aujourd'hui d'écouter les femmes et de les informer des risques."  Dans une lettre d'information, que le CNGOF a adressé le 13 décembre aux gynécologues afin qu'ils puissent informer au mieux leurs patientes qui ont prévu de réaliser une contraception définitive Essure, il est écrit que "la fréquence de ces effets secondaires concerne environ 1,5 % des patientes. Il s'agit essentiellement de problèmes de douleurs pelviennes et de saignements qui se manifestent rapidement après la pose. Dans certains cas, et c'est l'élément nouveau apporté par certaines patientes qui se sont constituées en association, les symptômes sont plus difficiles à relier au dispositif Essure : céphalées, perte d'appétit, asthénie (fatigabilité), douleurs musculaires, douleurs articulaires, pouvant prendre des proportions invalidantes. Cela ne remet pas en question l'intérêt de cette technique qui garde une balance Bénéfices/Risques positive."

Le Pr Hédon demande par ailleurs aux médecins de remonter les problèmes rencontrés dans un registre mis en place par le CNGOF afin d'avoir une vision détaillée et chiffrée des dysfonctionnements. Il y a en effet sans doute un problème de pharmacovigilance, confirme le Dr Harvey, lié au fait qu'en France, "les médecins n'ont pas la culture de l'évaluation".

Rappelons encore que la pose d'un dispositif Essure implique une procédure particulière à respecter : respect d'un délai de réflexion de quatre mois, remise d'un livret d'information, signature à deux reprises d'une feuille de consentement. Tous les détails sont disponibles dans le livret "stérilisation à visée contraceptive" édité par le Ministère de la Santé.