Mediator : résumé de l'affaire, procès, que soigne-t-il ?

Mediator : résumé de l'affaire, procès, que soigne-t-il ?

Le Mediator, médicament antidiabétique commercialisé par le laboratoire Servier, a été retiré du marché en 2009, après avoir causé le décès de milliers de personnes. Chronologie, procès 2023... Résumé du scandale.

Le procès en appel du Mediator®, médicament coupe-faim commercialisé par les laboratoires Servier qui a causé le décès de 1 000 à 2 000 personnes en France à cause de son risque augmenté de valvulopathies cardiaques, a eu lieu en janvier 2023 au tribunal correctionnel de Paris. La Cour d'appel doit rendre sa décision ce mercredi 20 décembre 2023Irène Frachon, pneumologue et lanceuse d'alerte de ce scandale sanitaire en 2010, est intervenue en tant que témoin. Pendant 33 ans, de 1976 à 2009, le Mediator® a bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché en France et était indiqué chez les personnes en surcharge pondérale atteintes de diabète de type 2 (antidiabétique). Toutefois, ce traitement aux propriétés anorexigènes (diminuent l'appétit) a surtout été détourné et prescrit comme coupe-faim à 5 millions de personnes. Le 29 mars 2021, le tribunal de Paris a rendu son jugement et a condamné les laboratoires Servier à 2,7 millions d'euros d'amende pour "tromperie aggravée" en ayant "sciemment dissimulé les propriétés "coupe-faim" et les dangereux effets secondaires" du médicament. "Malgré la connaissance qu'ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années, (...) ils n'ont jamais pris les mesures qui s'imposaient et ainsi trompé" les consommateurs du Mediator, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis, selon des propos rapportés par Le Parisien. Le groupe a néanmoins été relaxé du délit d'escroquerie. A noter que le film "La fille de Brest" d'Emmanuel Bercot est l'adaptation cinématographique du livre Mediator 150 mg d'Irène Frachon, la lanceuse d'alerte. Que faut-il retenir de cette affaire sanitaire ? Réponses en 5 points clés. 

Quand a débuté le procès en appel du Mediator ?

Le procès en appel du Médiator a débuté le 9 janvier 2023 devant la cour d'appel de Paris pour une durée de 6 mois. Ce procès en appel est intervenu à la suite des appels du ministère public, des laboratoires Servier et de certaines parties civiles. L'Agence du médicament (ANSM) a participé au procès en appel au seul titre de demandes de dommages et intérêts formées par certaines parties civiles. La lanceuse d'alerte Irène Frachon est intervenue en tant que témoin. Ce mercredi 20 décembre 2023, la cour d'appel de Paris doit rendre sa décision.

Indications : que soigne le Mediator ?

Commercialisé sur le marché français depuis 1976 et fabriqué par les laboratoires Servier, le Mediator® est un médicament composé de benfluorex, une molécule active visant d'abord à diminuer les lipides (triglycérides et/ou cholestérol) circulant dans le sang. Il a ensuite été indiqué pour les patients en surpoids, atteints de diabète de type 2 selon son autorisation de mise sur le marché. Le benfluorex est une molécule hypoglycémiante, c'est-à-dire qu'elle favorise la synthèse du glycogène par le foie et a donc le pouvoir de diminuer le taux de sucre dans le sang. Trois spécialités pharmaceutiques à base de benfluorex étaient alors commercialisées en France : 

  • Médiator® (1976-2009).
  • Benfluorex Mylan® 150 mg (générique) (sorti en octobre 2009 et retiré le mois suivant du marché)
  • Benfluorex Qualimed® 150 mg (générique) (sorti en octobre 2009 et retiré le mois suivant du marché).

Quel laboratoire commercialise le Mediator ?

Il s'agit des laboratoires Servier. 

Chronologie : quel est le résumé de l'Affaire du Mediator ?

Autorisé sur le marché français pour les diabétiques et les personnes souffrant d'hypercholestérolémie, le Mediator® aurait été détourné de cet usage et prescrit à d'autres patients (non diabétiques) en guise de coupe-faim pour les aider à maigrir. Or le benfluorex entraîne la production de norfenfluramine dans le corps, une substance anorexigène (d'où les effets sur la perte de poids) faisant partie des amphétamines. Une substance que l'on retrouve dans deux autres médicaments des laboratoires Servier : Isoméride® et Pondéral®. Des coupe-faims retirés de la vente en 1997 car ils présentaient des effets secondaires graves (hypertension artérielle pulmonaire responsable d'insuffisance cardiaque). Ces effets graves pour la santé ont été démontrés lors d'une étude menée en 1995 par le Pr Abenhaim, avec l'équipe de pneumologue de l'hôpital Béclère (Clamart).

Le Mediator est retiré du marché en 2009 en raison d'un sur-risque de valvulopathies cardiaques.

Trente ans après sa commercialisation, le Mediator® est donc lui aussi soupçonné de multiplier le risque de valvulopathies cardiaques.

► En 1999, il est retiré du marché en Italie en raison de son risque pour la santé. La Haute autorité de santé (HAS) se prononce contre le remboursement du Médiator, jugeant qu'il ne présente pas d'intérêt médical.

► En 2003, il est retiré du marché espagnol.

En 2007, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM) recommande de ne plus le prescrire comme coupe-faim.

► En 2007, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest lance l'alerte sur les dangers du Mediator, après avoir enquêté pendant 10 ans sur ses effets cardiaques. Elle signale des cas de valvulopathies cardiaques à l'Agence du médicament. Elle publiera deux ans plus tard le livre à succès "Mediator 150g, combien de morts ?".

► Le 30 novembre 2009, le Mediator et ses génériques sont retirés de la vente en France par l'Afssaps. La vérité éclate dans la presse et l'affaire tourne au scandale sanitaire. Xavier Bertrand, ministre de la Santé de l'époque, souhaite que tous les patients ayant été traités par le Médiator consultent leur médecin. Au total, 5 millions de personnes ont utilisé le Mediator® en France entre 1976 et novembre 2009.

Qui est Irène Frachon, la lanceuse d'alerte ?

Née le 26 mars 1963 à Boulogne-Billancourt, Irène Frachon est pneumologue au CHU de Brest et a lance l'alerté sur les dangers du Mediator en 2007, après avoir enquêté pendant 10 ans sur ses effets cardiaques. Elle a signalé des cas de valvulopathies cardiaques à l'Agence du médicament et publie deux ans plus tard le livre à succès "Mediator 150g, combien de morts ?".

Photo-Irene-Frachon-Mediator
Photo d'Irène Frachon © Michel Euler/AP/SIPA (publiée le 10/01/2023)

Quel film parle de l'affaire du Mediator ?

Le film La Fille de Brest, réalisé par Emmanuel Bercot, est l'adaptation du livre d'Irène Frachon. Il est sorti le 23 novembre 2016 en France. Sidse Babett Knudsen joue le rôle du docteur Irène Frachon et Benoît Magimel joue le rôle du Pr Antoine Le Bihan. 

Quels sont les effets indésirables du Mediator ?

La norfenfluramine favorise le risque de valvulopathies cardiaques c'est-à-dire des dysfonctionnements des valves du cœur qui sont au nombre de 4 : les valves aortiques, mitrales, tricuspides et pulmonaires. Ces atteintes cardiaques sont parfois indolores et peuvent passer inaperçues pendant des années. Mais parfois, des symptômes sont présents : insuffisance cardiaque, essoufflement à l'effort, œdème pulmonaire... Une valve cardiaque malade est fragile et très sensible aux infections. L'atteinte cardiaque n'est pas la même pour tous les patients et dépend également du temps de prise du Mediator. 

Mediator et hypertension : quels risques ?

Egalement, la prise de benfluorex est particulièrement associée à un risque d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Pour analyser ces risques, l'Agence du médicament a mis en 2011 une enquête de pharmacovigilance qui a fait l'objet de 4 rapports. 220 cas d'hypertension pulmonaire (HTP) avec ou sans valvulopathie associée étaient rapportés au 30/04/2011 après exposition au benfluorex. Le quatrième rapport d'enquête de pharmacovigilance sur ces cas d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) associés à la prise de benfluorex a été présenté le 19 septembre 2022 au comité scientifique permanent surveillance et pharmacovigilance. Aucun nouveau signal de sécurité n'a été mis en évidence dans cette nouvelle analyse qui concerne la période 2015-2020, rapporte l'ANSM le 17 novembre 2022.

Le nombre de décès est estimé entre 500 à 2 000 personnes

Combien y a-t-il eu de morts en France à cause du Mediator ?

En 1999, un premier cas de valvulopathie cardiaque est rapporté chez une personne utilisant le Mediator. Dix ans plus tard, l'Afssaps estime que 500 décès sont imputables à la prise de cet anti-diabétique. Le 16 janvier 2011, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) rend son rapport au ministère de la Santé et conclut que le nombre de décès est estimé entre 500 à 2 000 personnes. En août de la même année, une enquête s'ouvre à Paris pour "tromperie aggravée", "prise illégale d'intérêt", "homicides et blessures involontaires" et "escroquerie". L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux a reçu au total plus de 9 000 demandes d'indemnisation. 

Quels sont les résultats du procès du Mediator ?

Dix ans après la révélation de ce scandale sanitaire, le procès du Mediator s'est ouvert le lundi 23 septembre 2019 au Tribunal de Grande Instance de Paris. Les prévenus, à savoir des cadres du laboratoire Servier et de l'Agence du médicament, ont été jugés pour tromperie aggravée avec mise en danger de la santé, escroquerie, homicides et blessures involontaires et trafic d'influence. Les laboratoires Servier étaient soupçonnés par les juges d'instruction d'avoir dissimulé la réalité pharmacologique du Mediator, alors que deux de leurs produits avaient pourtant été retirés du marché en 1997 pour "extrême précaution". Pourtant, le groupe Servier affirme qu'il ignorait la toxicité de leur produit et que rien, avant le retrait sur le marché du Mediator ne prouvait sa dangerosité. Il concède ne pas avoir "perçu le niveau de risque comme il l'aurait dû" et "avoir fait une erreur d'analyse", a rapporté l'AFP le mardi 3 décembre 2019. Toutefois, Emmanuel Canet, représentant de Servier assure que le groupe n'avait absolument pas "la volonté de tromper ou de dissimuler" les consommateurs ou les professionnels de santé. 

De son côté, l'ANSM est jugée pour "négligences", pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator et pour avoir eu "des liens d'intérêt avec le groupe Servier". Irène Frachon doit passer à la barre comme témoin. Jusqu'au 30 avril 2020, date à laquelle le procès doit prendre fin, des milliers de plaignants attendent des "réponses et des réparations". 

► Résultat du procès : le lundi 29 mars 2021, soit 11 ans après la fin de la commercialisation du Mediator et plus de 517 heures d'audience, le tribunal de Paris a rendu son jugement et a condamné le laboratoire Servier à 2,7 millions d'euros d'amende pour "tromperie aggravée". "Malgré la connaissance qu'ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années", la firme aurait privilégié "ses intérêts financiers" au détriment de la "santé des consommateurs du médicament". L'ex-numéro 2 du groupe Servier a été condamnée à 4 ans de prison avec sursis. Le groupe pharmaceutique a toutefois été relaxé du délit d'escroquerie. De son côté l'Agence du médicament (ANSM) a été condamnée à 303 000 euros d'amende et ne fera pas appel de cette décision, précise-t-elle dans un communiqué du 29 mars 2021. 

Le 9 janvier 2023, le laboratoire Servier se retrouve en procès en appel du Mediator au tribunal correctionnel de Paris. 

► Le 20 décembre 2023, la Cour d'appel de Paris doit rendre sa décision.

L'ANSM a été créée en 2011 par la loi, en réponse au drame du Mediator, dans le cadre d'une continuité juridique avec l'Afssaps. Cette nouvelle structure, qui a donc remplacé l'Afssaps, a pour principal objet de renforcer la sécurité sanitaire afin qu'une telle affaire ne puisse se reproduire.

Sources : Enquête sur le MEDIATOR® de l'Inspection générale des affaires sociales (Janvier 2011) ; Courrier à destination des patients de l'AFSSAPS et Communiqué de l'ANSM sur le procès du Mediator ; Comptes rendus de la mission commune d'information sur le Mediator disponible sur le site du Sénat (2011).