Dr Lazarus : "Eviter les complications grâce à la télécardiologie"

Vérifier à distance, 24 h sur 24 et sans aucune manipulation de la part du patient, l'état de son cœur. Telle est la possibilité offerte par la télécardiologie, cette technique apparue en France en 2000.

Arnaud Lazarus, cardiologue à la Clinique du Val d'Or à Saint-Cloud, est le spécialiste français de la télécardiologie. Il expose les avantages mais aussi les défis à relever pour cette nouvelle technique. 

Qu'est-ce que la télécardiologie ?

Dr Arnaud Lazarus : D'un point de vue conceptuel, ce n'est pas nouveau. Il s'agit de pouvoir contrôler à distance l'état d'un patient, porteur d'un stimulateur cardiaque, d'un défibrillateur cardiaque ou d'un resynchroniseur. Ce qui est nouveau, c'est la technique. Auparavant, cela se passait par téléphone, c'est le patient qui devait fournir les informations relevées sur l'appareil, de façon manuelle, toutes les quelques semaines.

Aujourd'hui, la prothèse enregistre et envoie elle-même toutes les informations, de façon quotidienne, sans que le patient ait à intervenir. Il s'agit de contrôler que le patient va bien, mais aussi que la prothèse est en parfait état de fonctionnement. Ces données sont ajoutées quotidiennement, automatiquement, au dossier sécurisé du patient. Si une anomalie est détectée, le cardiologue qui suit cette personne va recevoir une alerte, par SMS par exemple.

Quels sont les avantages de la télécardiologie ?

Le bénéfice le plus important, c'est la sécurité et la santé du patient. D'abord, il se sent sécurisé de par le fait qu'il est surveillé 24h/24. Il n'a pas à se soucier lui-même d'une éventuelle alerte ou de devoir être à l'affût de "signes de défaillance" : les informations permettent au médecin d'être au courant en temps quasi-réel de potentiels soucis.

Un autre avantage qui découle de cette surveillance quotidienne, c'est la détection des problèmes avant même qu'ils n'aient des conséquences pour le patient. Avant, les informations étaient enregistrées dans l'appareil et lues tous les six mois, à chaque rendez-vous avec le spécialiste. Avec la télécardiologie, on peut gagner des semaines voire des mois dans la détection d'une anomalie. Cela peut éviter des complications graves. Une étude en France a permis de déterminer que les événements étaient ainsi détectés et traités en moyenne trois semaines plus tôt avec cette technique.

En outre, les patients n'ont pas le temps de s'inquiéter puisqu'ils n'ont eu le temps de ressentir aucun symptôme.

 

Qu'en est-il de la responsabilité des médecins ?

Le cadre reste effectivement à définir. Bien sûr, le médecin reste responsable de ses patients. Tout comme il reçoit des résultats d'examens médicaux par fax, il se doit de se préoccuper des alertes qu'il reçoit, d'aller vérifier dans le dossier numérique du patient ce qui s'est passé et, au besoin, de convoquer ce patient pour un rendez-vous. Ceci dit, il faut que cela intervienne dans des créneaux horaires raisonnables. Il serait anormal, par exemple, qu'un médecin soit dans l'obligation de répondre à un message en dehors de ses heures de garde ou de consultation. De toute façon, les informations reçues grâce à la télécardiologie seront quoi qu'il en soit traitées bien plus tôt que sans cette technologie.

 

Combien de personnes sont ainsi équipées en France ?

Cette technique est apparue en France en 2000. Aujourd'hui, environ 3 000 patients bénéficient de la télécardiologie, qui est aujourd'hui proposée dans 220 centres en France. Les patients sont généralement très enthousiastes lorsqu'on leur parle de cette technique.

Y a-t-il des risques pour la santé ?

Non. Il y a beaucoup moins de risques par exemple qu'avec un téléphone portable, si tant est que cela soit dangereux. La transmission des informations vers le central se fait sur une très courte durée, de l'ordre d'une ou deux minutes. En outre, le transmetteur se situe à plusieurs mètres du patient, il n'y a donc pas de danger.

Quant à sonner aux portiques des aéroports, on peut effectivement rencontrer les mêmes soucis qu'avec une prothèse classique. Ils sont mineurs en général, mais il suffit de toute façon de présenter un document médical stipulant que vous êtes porteur d'un tel mécanisme pour que les douaniers vous évitent de passer sous ces portiques.

3000 patients bénéficient aujourd'hui, en France, de la télécardiologie

La télécardiologie est donc appelée à se développer ?

Oui, mais pour l'instant cela se développe plus aux Etats-Unis où il s'agit d'une évolution naturelle, puisque les techniques de suivi à distance y étaient déjà très développée. En France, il faut que cela entre dans les mœurs et, surtout, que l'on trouve une méthode de prise en charge. Pour l'instant, tout est gratuit pour le patient car l'équipement est fourni par le constructeur. Mais cela ne peut pas être ainsi sur une grande échelle, d'autant qu'il s'agit là d'un travail supplémentaire pour le médecin. A moyen terme, il va donc falloir trouver des solutions sur ces points si l'on veut développer la télécardiologie.

Le surcoût pour l'Assurance maladie serait-il important ?

Pas nécessairement. Certes, cela entraîne un coût supplémentaire, mais l'on fait des économies par ailleurs. Par exemple, le patient n'est plus obligé de se déplacer aussi souvent pour les contrôles. Comme beaucoup d'entre eux sont loin et utilisent un transport médicalisé, cela entraîne une baisse des coûts de transport non négligeable. En outre, grâce à cette technique, on peut attendre que la batterie des appareils soit vraiment arrivée sur la réserve avant de la changer. Auparavant, dans le doute, on la changeait plus tôt, pour être sûrs de ne pas avoir d'ennuis. Et puis en anticipant certains problèmes, on évite qu'ils ne créent des pathologies plus graves et, donc, plus coûteuses.

L'exemple d'autres pays est positif. Ainsi, en Allemagne, où les frais de cardiologie sont remboursés depuis quelques années, on estime que le coût pour la sécurité sociale est identique à celui d'un suivi en face-à-face.