Cannabis : en France, légalisation, effet, comment se sevrer ?

Cannabis : en France, légalisation, effet, comment se sevrer ?

Le terme de "cannabis" fait référence à la plante Cannabis Sativa, originaire d'Asie, appartenant à la famille des Cannabacée et dont il existe plusieurs variétés contenant plus ou moins de THC. Le cannabis est la drogue stupéfiante la plus consommée par les jeunes en France, principalement pour ses effets décontractants.

Joint, beuh, ganja, marijuana, haschich... La consommation de cannabis augmente en France. Sur 1205 jeunes âgés de 15 à 24 ans interrogés par l'Ifop pour High Society en novembre 2021, 47% en ont déjà fumé au moins une fois, soit plus de 3,5 millions de jeunes concernés ces dernières années. Les jeunes femmes sont plus nombreuses (50%) à avoir déjà consommé du cannabis que les jeunes hommes (44%).  C'est le stupéfiant le plus consommé, loin devant la cocaine, le LSD, l'héroine ou l'ecstasy (5% des sondés en ont pris quelques fois). Largement utilisé à titre festif, le cannabis accompagne également certains consommateurs dans divers moments de la vie quotidienne, au travail, en cours, au volant ou encore avant une relation sexuelle pour se détendre. Mais les jeunes subissent aussi ses effets nocifs, notamment dans leur pratique sexuelle : 39% des jeunes femmes ont regretté d'avoir eu une relation sexuelle en ayant pris de la drogue contre 29% chez les jeunes hommes selon l'Ifop et  46% des consommatrices (40% des  consommateurs) ont déjà vu leur libido "cassée" par la prise de drogue.

Quelle est la consommation de cannabis en France ?

Le cannabis est de loin la substance illicite la plus consommée en France. Selon la dernière étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, près de quatre adolescents de 17 ans sur dix ont déjà fumé du cannabis au cours de leur vie (39,1 %). 

►L'expérimentation du cannabis durant les années collège ne débute qu'à partir de la 4e, où un élève sur dix déclare en avoir déjà fumé au moins une fois (plutôt des garçons).

► Au lycée, la consommation de cannabis concerne un quart des élèves de 2e , 42% en terminale, avec un usage au cours de la vie plus répandu chez les garçons (44,0 %) que les filles (40,9 %).

►Chez l'adulte, 44,8 % des 18-64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie en 2017 (42% en 2014), plus chez les hommes (52%) que les femmes (7%).

En Europe, les niveaux d'usage de cannabis opposent schématiquement l'Europe du Nord, peu consommatrice, à l'Europe de l'Ouest et du Sud. La France devance clairement les autres membres de l'Union européenne (plus la Norvège et la Turquie) avec une prévalence d'usage dans l'année nettement supérieure à celles observées dans la plupart des pays. L'Italie, la République tchèque et l'Espagne complètent le quatuor des pays où les usagers sont les plus fréquents. 

Evolution de la consommation de drogues en France entre 2005 et 2021
Evolution de la consommation de drogues en France entre 2005 et 2021 © Ifop

Où en est sa légalisation ?

Le 24 novembre 2021, la nouvelle coalition gouvernementale qui succéder à Angela Merkel à la tête de l'Allemagne a annoncé vouloir légaliser le cannabis "aux adultes à des fins de consommation dans des magasins agréés". Si la mesure est définitivement appliquée, l'Allemagne serait le deuxième pays d'Europe après les Pays-Bas à valider la vente encadrée de ladite substance. L'objectif étant "de contrôler la qualité, d'empêcher la transmission de substances contaminées et de garantir la protection de la jeunesse" avec un point sur la situation au bout de 4 ans. En Allemagne,  le cannabis thérapeutique a été autorisé en 2017. Aux Pays-Bas, en plus de pouvoir acheter légalement du cannabis et le fumer dans les fameux "coffee shop", il est aussi possible d'en produire depuis 2019. Au Luxembourg, il devrait être possible de cultiver du cannabis chez soi à partir de 2022 et de le consommer du coup. Chaque ménage aura droit de cultiver chez lui quatre plants de cannabis, a indiqué le gouvernement lors d'une conférence de presse organisée fin octobre 2021. En France, la réflexion est ouverte a indiqué le ministre de la Santé Olivier Véran sur France Bleu le 3 septembre 2021 : "Ce que je regarde avec intérêt, ce sont les pays qui sont allés vers la légalisation et qui ont des résultats qui seraient meilleurs que ceux de la France ces dix dernières années", comme l'Espagne "qui ont autorisé non pas l'achat dans la rue mais le fait de pouvoir cultiver soi-même ses plantes et de les consommer". "Il y a différentes modalités qui se tentent, a-t-il noté. Moi, ce qui m'intéresse, c'est d'abord l'utilisation thérapeutique qu'on peut faire du cannabis."

Le cannabis est un produit classé stupéfiant et son usage est interdit en France, conformément à la loi du 31 décembre 1970, dont les dispositions ont été intégrées dans le Code pénal et le Code de la santé publique. En acheter, en consommer, en détenir, en donner, en revendre, en cultiver (chez soi ou à l'extérieur), en transporter ou conduire après en avoir consommé sont des infractions passibles de sanctions devant les tribunaux, quelle que soit la quantité. Les peines sont doublées quand le cannabis est vendu ou donné à des mineurs.

C'est quoi le cannabis ?

plante de cannabis
Plante de cannabis sativa © mrorange002-123rf

Le terme de "cannabis" fait référence à la plante Cannabis Sativa, originaire d'Asie, appartenant à la famille des Cannabaceae dont il existe plusieurs variétés contenant plus ou moins de THC. Elle possède selon la variété, de nombreuses propriétés : de ses fibres utilisées pour le papier ou les cordages jusqu'aux molécules ayant des effets biologiques, notamment psychoactifs, ce qui lui a valu son classement en tant que stupéfiant. 

 Une seule espèce de chanvre Cannabis sativa, dépourvue de la molécule psychotrope THC est cultivée en France. Elle est dénommée " chanvre industriel ".

 S'agissant des variétés de la plante comprenant du THC, le cannabis est, en France et malgré son interdiction, fumé en mélange avec du tabac, sous forme de résine ou de sommités florales (herbe). Les fleurs peuvent également être consommées sous forme de tisane et la résine peut être incorporée à des préparations alimentaires.

Herbe 

L'herbe aussi appelée "marijuana", "beuh", "yamba" est constituée des extrémités florales et est caractérisée par une faible teneur en THC, de l'ordre de 2 à 6 %.

Résine

La résine de cannabis ou "haschich" est fait avec les parties résineuses de la plante ou avec les feuilles et les extrémités fleuries de la plante qui sont tamisées préalablement séchées et ensuite compressées sous forme de "galette" ou de "barrettes". Il présente une plus forte teneur en THC de 5 à 40 %.

Huile

L'huile de cannabis de couleur vert foncé à noirâtre est obtenue à partir de la macération des parties résineuses de la plante dans de l'alcool à 90° et contient une très forte teneur en THC (> 50%). La marijuana, le haschich et l'huile de haschich peuvent être inhalés selon de nombreuses techniques ou ingérés dans diverses préparations.

Ak-47

Il s'agit d'une variété hybride de cannabis aux effets particulièrement puissants. En effet, cette variété possède une très forte teneur en THC (tétrahydrocannabinol, la molécule active du cannabis, celle qui lui donne son caractère psychotrope). Très populaire en Hollande, où sa consommation est légale (contrairement à la France), l'Ak-47 produit une détente physique et a un effet antalgique (antidouleur) particulièrement efficace contre les rhumatismes. Elle est également connue pour réduire les états dépressifs et pour redonner de l'appétit.

C'est quoi le cannabis médical ?

Le dronabinol correspond au terme médical utilisé pour désigner le delta-9-tétrahydrocannabinol, ou THC, sous sa forme synthétique. Commercialisé sous l'appellation Marinol®, le dronabinol est préconisé dans le cadre d'un traitement anti vomitif chez des patients suivant une chimiothérapie. Il est également prescrit pour développer l'appétit des patients sidaïques. Administré par voie orale, ce médicament n'est prescrit en France que dans le cadre spécifique des centres antidouleur, lorsque d'autres molécules ne s'avèrent pas efficaces pour soulager les patients. La substance est éliminée par voie rénale.

Quels sont les effets immédiats du cannabis ?

Le cannabis produit naturellement les cannabinoïdes ayant des propriétés euphoriques et anticonvulsives. Les cannabinoïdes sont des substances qui agissent sur le système nerveux central, le système nerveux périphérique et dans le système immunitaire, et plus particulièrement sur les récepteurs cannabinoïdes. Ils peuvent être d'origine végétale, comme le cannabis, d'origine humaine ou animale, avec une action sur la fertilité, ou d'origine synthétique, utilisés comme psychotropes pour soulager des douleurs chroniques. L'effet du cannabis inhalé est rapide, moins de 20 min et dure une à deux heures.

Détente. Les effets immédiats du cannabis sont la sensation d'un état de détente et de bien-être, une euphorie et une modification des perceptions.

Palpitations, bouche sèche. Apparaissent une augmentation du rythme du pouls, un ralentissement des réflexes, une stimulation de l'appétit, bouche sèche, yeux rouges accompagnés parfois de nausées. 
Isolement. La consommation de cannabis a des répercussions sévères sur la santé. 50% des adolescents âgés de 17 ans fumant du cannabis présenteraient des problèmes sociaux.

Quels sont les effets sur le long terme du cannabis ?

Parce qu'il est stocké dans les graisses, le cannabis reste longtemps dans l'organisme sous forme de trace, même s'il n'est plus actif. Ainsi, il faut plus d'un mois pour éliminer complètement de l'organisme toute trace de substance après une seule utilisation. A long terme, peuvent survenir une dépendance psychique, des problèmes de mémoire et de motivation, un isolement social et une aggravation des troubles psychiques avec anxiété et bouffées délirantes.

Cancer. Le cannabis brûle moins que le tabac et produit davantage de gaz carbonique. Fumer un joint équivaut à fumer entre 2,5 et 5 cigarettes de suite. Le risque de cancer pour un fumeur du cannabis serait environ 20 fois plus élevé que pour un fumeur de tabac (à dose égale) selon une étude néo-zélandaise publiée par le European Respiratory Journal (ERJ). La "façon de fumer" serait également en cause : les joints sont souvent consommés sans filtre correct, et jusqu'au bout, ce qui augmente la quantité de fumée avalée. Le risque de cancer des poumons, dans le groupe étudié, a été multiplié par un facteur de 5,7 chez les individus ayant fumé quotidiennement plus d'un joint durant dix ans, ou 2 joints par jour durant cinq ans. Le Dr Vincent Villiers, addictologue, ajoute que "selon plusieurs études notamment une américaine parue dans la revue Cancer en 2009, la consommation régulière de cannabis augmenterait également le risque de développer un cancer des testicules".

RespirationLa fumée du cannabis contient des substances cancérigènes comme celle du tabac : elle est donc toxique pour le système respiratoire. Le joint de cannabis fait inhaler 6 à 7 fois plus de goudrons et de CO que la cigarette. Et il contient 2 fois plus de benzène et 3 fois plus de toluène, des agents toxiques. L'association du tabac et du cannabis entraîne des cancers du poumon plus précoces que le tabac seul. Les risques respiratoires sont amplifiés dans certaines conditions d'inhalation (pipes à eau, "douilles").

Dépendance. A la longue, le fumeur régulier aura tendance à augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets. Toutefois, l'overdose mortelle n'existe pas avec le cannabis.
La dépendance au cannabis semble plutôt psychologique, bien que des symptômes légers de sevrage comme des crampes et des insomnies ont été observés. Le risque de dépendance psychologique au cannabis est moindre que pour d'autres drogues mais il existe et concernerait 10 à 15 % des consommateurs réguliers. Les préoccupations sont alors centrées sur la recherche, l'achat et la planification des consommations. 

Reproduction, grossesse : Risques de grossesses extra-utérines. Fausses couches. Naissance prématurée plus fréquente. Diminution significative des spermatozoïdes si l'usage est chronique et excessif. Pour autant, le cannabis ne rend ni impuissant, ni stérile.

Quels effets sur le cerveau ?

En fonction de la dose absorbée et de la tolérance du consommateur, la prise de cannabis entraîne une augmentation du temps de réaction, une difficulté à effectuer des tâches complètes et des troubles de la coordination motrice susceptibles d'augmenter les risques associés à la conduite. Le cannabis baisse la mémoire, diminue les capacités d'apprentissage, cause des difficultés de concentration, un désintérêt, une fatigue physique et intellectuelle. Selon de nombreuses études, les consommateurs de cannabis auraient 41% plus de risques de développer une psychose, une schizophrénie. Plus la consommation de cannabis est importante, plus certaines régions du cerveau seraient réduites. Apparaissent également une diminution des performances cognitives et psychomotrices avec des difficultés scolaires chez les adolescents ainsi que des troubles urinaires. 

Comment reconnaître un fumeur de cannabis ?

  • Yeux rouges.
  • Débit de parole et pensée ralentis.
  • Amotivation pour les activités quotidiennes.
  • Fatigue.
  • Fringales.

Comment se sevrer ?

Si l'angoisse liée au sevrage ou les signes psychologiques consécutifs ou à l'origine de l'addiction au cannabis peuvent être accompagnés avec un anxiolytique, il n'existe pas de traitement pharmacologique de la dépendance au cannabis. Il faut aller voir son médecin traitant qui pourra orienter vers un addictologue ou un psychologue. Ces derniers pourront aider le patient à se défaire de son addiction grâce à la thérapie cognitive ou comportementale. Vincent Villiers rappelle que l'hypnose peut être un très bon outil, lorsqu'elle est menée par un hypnothérapeute spécialiste de l'addiction : "L'hypnose est une technique de changement très puissante qui obtient de très bons résultats sur l'addiction au cannabis."

Comment aider un proche fumeur de cannabis à s'en sortir ?

En tant que parents, amis, collègues, etc. il n'est pas facile de venir en aide à un proche, qui consomme régulièrement du cannabis. Et pour cause : celui-ci refuse généralement toute aide.

Plutôt que d'insister et de couper le dialogue avec lui, la première chose à faire est de se montrer à l'écoute, présent, attentionné. Bref, de maintenir un lien. En parallèle, le proche peut se montrer utile en proposant des aides : une documentation sur les risques du cannabis, numéros et adresses utiles, contacts d'associations, etc. L'intérêt c'est de mettre en contact la personne avec des services habitués à gérer le problème de la dépendance au cannabis. 

Il faut aussi accepter en tant que parent ou ami, qu'on ne peut pas résoudre seul le problème. Et qu'il faudra sans doute du temps. Lorsque les fumeurs sont réguliers et qu'une dépendance existe, leur demander de s'arrêter du jour au lendemain, peut être perçu comme une demande complètement inappropriée. Il peut dès lors se créer un décalage qui peut une fois encore couper le dialogue.

Quand l'usage de cannabis s'accompagne de difficultés importantes (troubles du comportement, troubles scolaires graves, etc.) les parents doivent chercher une aide, qu'ils soient ou non accompagnés par l'usager dans cette démarche. Il existe des lieux d'accueil et d'écoute pour être soutenu et conseillé lorsqu'on souffre d'une telle situation.

Si le dialogue semble impossible : Dans la relation entre parents et adolescents, le dialogue peut être difficile d'une façon générale. L'adolescent cherche à préserver son intimité, alors que ses parents ont tendance à être inquiets et donc à poser beaucoup de questions. Les limites sont vécues comme des contraintes et plus la pression est forte plus le jeune peut vouloir y échapper. L'important, c'est d'abord de ne ne pas nier le problème ou de faire comme si on ne savait pas. Il ne faut pas non plus se décourager et se dire qu'on ne peut rien faire. Au contraire, il faut exprimer son inquiétude et dire ses interrogations, tellement légitimes lorsqu'on est parents. Ainsi cela permet de maintenir ou de rétablir un dialogue, de provoquer une réflexion, voire de partager une certaine complicité, même s'il n'aboutissent pas immédiatement à un arrêt de consommation de cannabis. Enfin, il peut parfois être important de trouver une aide extérieure en rencontrant quelqu'un qui apporte des informations et puisse engager un dialogue qui n'est pas toujours facile au sein même de la famille.

Merci à Vincent Villiers, addictologue et gestalt-thérapeute

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