Le défaut de prise en charge de l'alcool coûte cher

La dépendance à l’alcool demeure très mal prise en charge en France. Résultat, le poids de ses complications pèse lourd : une journée d’hospitalisation sur dix est liée à l’alcool.

Le défaut de prise en charge de l'alcool coûte cher
© Gina Sanders - Fotolia

La consommation globale d’alcool, essentiellement de vin de table a diminué depuis les années 60 mais il n’empêche que le constat est sans appel : les patients hospitalisés sont toujours plus nombreux. En effet, pour la seule année 2012, 580 000 hospitalisations pour un problème de santé lié à l’alcool ont été dénombrées. Dans les services de médecine générale et de chirurgie, le traitement de la dépendance elle-même ne représente que 16 % des séjours, relèvent les auteurs de l’étude de l'Institut de veille sanitaire (InVS) publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de ce mardi 7 juin . En réalité, la majorité des patients (plus de 83 %) sont hospitalisés pour soigner des complications liées à l’alcool, comme des cirrhoses ou des infarctus, souvent après plusieurs années de dépendance. Au total, les séjours pour sevrage des patients alcoolo-dépendants sont 4 fois moins fréquents que les séjours pour prise en charge des complications de l’alcoolo-dépendance.

Autre constat, en six ans, le nombre de séjours pour intoxication alcoolique aiguë a augmenté de plus d’un tiers, témoignant du développement en France du phénomène du binge drinking. Ce qui ne veut pas dire que les patients hospitalisés soient plus jeunes. Au contraire, l’InVS constate qu’en ce qui concerne l’âge des patients hospitalisés pour alcoolisation aiguë, le pourcentage de jeunes (≤24 ans) a été stable entre 2006 et 2012 (19,1%), alors que celui des patients les plus âgés (≥55 ans) a augmenté de 3,9% (20,9% contre 24,8%). Les auteurs remarquent que ces données paradoxales, montrent que le binge drinking touche également les adultes plus âgés.

Parler de l'alcool au plus tôt. Mais ce que met en évidence cette étude, c’est surtout le manque de prise en charge des patients dépendants à l’alcool. "Les complications de l’alcool sont très bien prises en charge, mais le comportement de consommation d’alcool lui-même est encore trop rarement abordé avec les nombreux patients hospitalisés pour ces complications, qu’elles soient somatiques ou psychiatriques, relèvent ainsi les auteurs de l'étude. L’accueil de ces nombreux patients à différents moments de leur trajectoire devrait être une occasion privilégiée d’aborder la question de l’alcool."

Il faut savoir que les patients qui consultent pour des complications liées à l’alcool, se retrouvent à l’hôpital en moyenne 4 à 5 ans après qu’ils aient consulté pour un problème de dépendance et dix à quinze ans après qu’ils aient commencé à boire. D’où l’intérêt d’aborder la question de l’alcool "le plus précocement possible et lors de chaque séjour, de façon à espérer limiter à terme ces complications et les réhospitalisations qu’elles entraînent". Pour ce faire, il faut "mieux informer les patients hospitalisés pour ivresse dans les services d’urgence" et si besoin, "les orienter davantage vers des services spécialisés de façon à éviter l’apparition de complications et donc de nouvelles hospitalisations". Il faut en outre "améliorer la formation des équipes des services d’urgence et des services non spécialisés en addictologie".

En somme, si ces patients étaient alertés en amont sur les risques de leur consommation, donc dès les premières hospitalisations pour ivresse, on peut imaginer que l’on diminuerait sensiblement le nombre de pathologies qui en découlent. Et donc le nombre d’hospitalisations, mais aussi le coût global pour l’hôpital. Chaque année, les dépenses hospitalières liées à l’alcool représentent 3,6 % de l’ensemble des dépenses, soit près de 2,64 milliards d’euros.

En France, l’alcool est responsable de 49 000 morts par an. De plus, selon un récent rapport de l'OCDE, la France figure parmi les plus gros consommateurs d’alcool en Europe.